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— Ce complément du miracle, ces jupes non retombantes sur la tête paraissent tout à fait indispensables à l’auteur janséniste des Miracles de Saint-Médard; autrement, dit-il, ce ne serait qu’un prodige d’indécence et d’immodestie ! Je suis tout à fait de son avis, quoique je ne sois pas janséniste.

Le miracle en question est de ceux qui font partie de la collection bien connue des prestiges de ce qu’on appelait autrefois magie blanche et qui étaient même pas un péché véniel, tandis que la magie diabolique était un péché pis que mortel, et classé par les casuistes dans la catégorie des cas réservés. Rien n’est plus facile à expliquer ou même à reproduire que cette apparence curieuse. Tout le monde sait que les Grecs avaient étudié à fond l’effet des miroirs; tout le monde a vu sur une eau tranquille les arbres et les hommes placés sur la rive opposée se refléter la tête en bas dans le poétique miroir des eaux. Eh bien! étendez-vous à demi couché sur un canapé dans une chambre un peu obscure, de manière à porter commodément vos yeux au-dessus de vous vers une glace placée horizontalement sur votre tête et attachée au plafond par des cordes qui la soutiennent de niveau, le côté étamé en bas : alors si une figure quelconque, un homme, une femme ou un animal, est placée dans un grand jour vis-à-vis d’un fond très noir, on verra dans ce miroir cette figure marcher la tête en bas et les pieds en haut. Si le miroir est incliné à quarante-cinq degrés, un homme debout, et qui tient un oreiller sur sa tête, apparait comme un homme couché. Voyez les ouvrages intitulés : Description d’un cabinet de physique, et vous direz : « Connu, connu ! Passons à d’autres tours de force ! » En fait de miracles :

Il nous faut du nouveau, n’en fût-il plus au monde!


V.

L’objet de cette étude est de considérer les phénomènes nouveaux ou renouvelés des siècles précédens au point de vue des principes de la science expérimentale, principes méconnus et attaqués par un grand nombre de ceux qui n’ont été guidés que par l’imagination dans ce qu’ils ont écrit sur les tables tournantes et leurs manifestations métaphysiques. Il nous est donc interdit d’entreprendre l’examen des faits curieux qui ont prêté à la magie, à la superstition, à la fourberie morale un dangereux appui. Le somnambulisme et le magnétisme, qui deviendront dans peu une belle et positive science physiologique, — en prenant pour guide les principes de la science inductive, quand on ne demandera à cet ordre de lois de la nature que ce qu’il peut donner, — ont avec la cause des effets produits sur les tables des analogies que je dois renoncer à poursuivre en détail. Je me bornerai à dire que, tandis que dans le magnétisme on observe l’action mystérieuse d’un être animé sur un être animé transmise d’une manière que l’on peut dire occulte, on pouvait espérer quelque chose de plus simple dans la transmission de l’action d’un corps vivant à un corps inanimé. Tout indique que la transmission se fait à l’insu de l’opérateur et par une action dont il n’a pas la conscience; mais croire avec M. Charles Jullien[1] « que l’influence magnétique

  1. Voyez un excellent article dans le Journal du Calvados du 18 mars 1854.