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indubitable que le magnétiseur exerce sur son somnambule par sa seule volonté mise en rapport sans contact avec son somnambule, que cette influence, dis-je, se transmettra de même sans contact de l’opérateur aux tables, » c’est méconnaître en ce point la question à résoudre, puisqu’on admettant l’action magnétique il suffit au magnétiseur d’agir sans contact sur la pensée de son somnambule, laquelle pensée guide ensuite les actions dudit somnambule, tandis que dans le cas de la table supposée impressionnée autrement que par le contact, où serait le principe dirigeant qui, recevant cette action sans contact, la transmettrait à la table ? — Mais, dira-t-on, une portion de la volonté de l’opérateur peut momentanément se loger dans la table et la faire obéir. « La même force, dit M. Jullien, qui entraîne et dirige les personnes, produit absolument les mêmes résultats sur des objets inanimés. » Or voilà ce qui est impossible et rompt toutes les analogies. Pour que la volonté du magnétiseur fasse agir le somnambule, elle doit se transmettre à la pensée de celui-ci, laquelle pensée a ensuite pour se faire obéir l’admirable appareil du cerveau, des nerfs et des muscles. Si vous imaginez que la pensée de l’opérateur se fixe dans la table de manière à lui communiquer une sorte d’instinct vital, il faudra encore faire naître dans cette table le système obligé d’un cerveau, d’un fluide électrique conduit par les nerfs de la force et les nerfs de la sensibilité, et enfin de muscles contractiles, de tendons, de parties solides, agissant comme leviers pour obéir aux nerfs comme ceux-ci obéissent au cerveau, comme celui-ci lui-même est soumis à l’empire de la volonté. Voilà le possible; voilà aussi l’impossible. Le possible est ce qui est ; l’impossible est ce qui est en contradiction avec ce qui est, c’est-à-dire avec les faits. Or ici les faits parlent hautement : vous ne pouvez agir sur la substance matérielle que par la matière elle-même. Le choc ou l’action d’un corps sur un autre faiblit d’autant plus, que le corps choquant ou agissant devient de plus en plus petit, en sorte qu’avec un moteur minime l’action serait presque nulle. Si l’on réduit l’être agissant à n’avoir point de masse, comme la volonté, la pensée, l’effet produit sur la matière sera parfaitement nul. Tels sont les principes nettement posés et pleinement confirmés dans le monde entier. Archimède se vantait avec un point d’appui de mettre la terre en mouvement : Δος που στω, ϰαι την γην ϰινησω.. D’accord. Il soulèvera la terre, mais de combien ? Le calcul indique qu’il ne la soulèverait pas de l’épaisseur d’une feuille de papier en plusieurs milliers d’années. Alors il peut rester tranquille et dispenser la nature de lui fournir le point d’appui réclamé si orgueilleusement dans la vue d’un si mince résultat !

Mais s’il est absurde d’espérer que, contrairement aux lois physiques, les tables et les objets massifs obéissent à la volonté, il n’est pas moins à regretter que cette puissance ait été refusée à l’homme et à sa pensée seule. N’ayant pas un tel pouvoir, il faut donc nous borner à étudier avec soin toutes les actions curieuses que, par le moyen de nos organes, l’imagination et la volonté de l’homme peuvent produire sur les objets animés ou sur les objets matériels. Je renouvelle ici la question de savoir comment il se fait que la volonté, transmettant son action par les mouvemens naissans, très énergiques, produise dans la table des mouvemens dont les opérateurs n’ont pas la conscience ni pour le sens du mouvement, ni pour l’intensité ? D’où vient cette fascination qui leur fuit croire qu’ils sont entraînés par la table