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que réellement ils guident ? Peut-on développer magnétiquement dans des êtres doués de volonté, mais non de raison, savoir dans les animaux, les mêmes phénomènes d’action sans conscience que l’on observe dans les hommes ? Si l’on pense aux faits bien constatés de fascination, de terreur, de penchant instinctif, cette action peut se faire sentir à distance et sans contact comme dans le somnambulisme humain. Les animaux, et notamment les chiens de chasse, sont comme les hommes agités par des rêves : sont-ils susceptibles de somnambulisme ? Bien loin de rabaisser le mérite de pareilles recherches et de rétrécir le cercle de l’investigation, il faut l’étendre le plus possible. Il faut même sacrifier sans peine des opinions trop légèrement admises pour des opinions mieux fondées; mais il faut suivre une voie qui conduise à des résultats positifs et ne pas tourner constamment dans le même circuit de circonstances reproduisant toujours les mêmes points de vue. « Toute la difficulté de la philosophie de la nature, dit Newton, paraît consister à constater par un certain nombre de phénomènes les lois de la nature et ensuite à démontrer au moyen de ces lois le reste des phénomènes. » Lorsque cette marche sage et sûre aura été suivie dans les phénomènes des tables tournantes, nous saurons quelque chose sans l’intervention des esprits, sans merveilleux, sans surnaturel. Ce sera bien moins beau, bien moins poétique, bien moins transcendant, mais ce sera bien plus sûr. Je regretterai plus que tout autre de renoncer à un commerce avec les esprits de l’humanité entière, lequel commerce jusqu’ici ne nous a pas appris grand’chose; mais je me consolerai de cet échec en pensant qu’il vaut mieux ne rien savoir que de savoir des choses fausses, et que dans l’étude de la nature, la première de toutes les sciences, c’est de savoir ignorer !


VI.

Je ne puis laisser passer sans un plus grand développement ce que j’ai dit de l’impossibilité de mettre en mouvement des corps matériels et lourds par la seule action de la pensée. Sans recourir ici à la raison d’effet sans cause ou de création de mouvement impossible à comprendre, observons ce qui est. De cette manière, nous n’aurons à craindre aucune erreur de métaphysique.

Dans tous les animaux, la volonté (nous sommes ici bien loin de l’âme) produit le mouvement par la série d’actions que voici. Le cerveau ou, pour mieux dire, les diverses parties du cerveau envoient le fluide électrique nerveux par l’intermédiaire des nerfs, tant de ceux de la sensibilité que de ceux du mouvement, jusqu’aux muscles, qui, sous l’empire de l’électricité, se contractent ou se relâchent. Les tendons, les os et les parties solides du corps servent ensuite de cordes et de leviers pour transmettre et modifier mécaniquement cette force produite par l’impulsion originaire du cerveau. On peut suivre, dans les beaux travaux de M. Magendie, le fractionnement des diverses facultés à mesure qu’on paralyse telle ou telle partie du cerveau. La partie antérieure étant paralysée, l’animal ne peut plus reculer; il marche en avant. Est-ce la partie postérieure ? l’animal recule sans cesse. Dans d’autres cas, il ne peut se mouvoir qu’en tournant à droite ou à gauche, en sautant, en rampant, ou même en se roulant sur lui-même. On tient le fil par lequel le cerveau transmet ses ordres. On peut aussi suppléer, dans