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qui ouvrit la saison d’automne en 1818 ; le second, par lequel le carnaval de 1819 fut inauguré. Pour ce qui regarde Ricciardo e Zoraïde, aucun opéra de Rossini, depuis Tancredi, ne s’était vu aussi favorablement accueilli par la critique. L’accord cette fois fut unanime ; Rossini, assurait-on, venait d’abandonner la fausse route où depuis des années il s’obstinait à se fourvoyer pour rentrer dans le chemin de la nature et de la vérité. Ces mêmes gens dont les foudres avaient tonné sur Otello, la Gazza Ladra et Mosè décrétèrent du haut de leur Parnasse que le chef-d’œuvre de l’Italie musicale avait enfin vu le jour. Il n’y eut pas jusqu’aux morts illustres qui ne voulussent mêler leurs voix à ce concert d’éloges, et la Gazette de Naples publia à cette occasion une lettre de Cimarosa datée du séjour des ombres. Dans cette épître, d’un style emphatique et déclamatoire, l’auteur du Matrimonio prodiguait à Rossini les félicitations, et l’exhortait paternellement à persévérer en si bons principes. Sans partager sur tous les points l’opinion des journaux de cette époque, nous reconnaissons volontiers les aimables qualités par lesquelles se recommande cette musique, ainsi que le naturel et la grâce que respirent la plupart de ses mélodies. Le duo du second acte, Ricciardo che veggo, passe à bon droit pour l’un des meilleurs que Rossini ait composés, et quant à l’admirable quatuor qui suit, jamais l’âme du grand maître ne réussit davantage à passionner un chant : la période vocale qui remplit le milieu de ce morceau est sans contredit une des inspirations les plus éloquentes du génie rossinien, et l’on ne se figure pas la puissance irrésistible que cette phrase, récitée par David, avait sur l’auditoire. Si cette partition ne s’est point maintenue à la scène, si cette charmante musique, après avoir gagné son procès devant la critique, a fini par le perdre devant le public, à qui s’en prendre, sinon à l’auteur de la triste rapsodie qui lui servait de texte, et dont le moindre inconvénient était d’être fort mal distribuée pour la musique, et de n’offrir au compositeur que des motifs de duos, ce qui répand à la longue sur la représentation de cet ouvrage une teinte de monotonie insoutenable ?

À Ricciardo succéda l'Ermione, qui parut au mois de mars sur la scène de San-Carlo, ayant pour interprètes la Colbrand et la Pisaroni, David et Nozzari. Dans cette partition, dont le sujet n’est autre que l’Andromaque de Racine, Rossini s’était essayé à se rapprocher du style français, tentative maladroite lorsqu’il s’agit de plaire à des oreilles napolitaines. L’ouvrage en outre avait l’immense tort de n’exprimer que la colère du commencement à la fin, et la colère ne saurait guère réussir en musique qu’employée à l’état de contraste, témoin le spirituel proverbe napolitain : » d’abord la colère du tuteur, ensuite la cavatine amoureuse de la pupille. » Ermione eut donc un échec, et sauf quelques rares morceaux sur lesquels les applaudissemens