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qui croyaient, comme le dit Aristote, que le fœtus prend l’empreinte des affections du père et de la mère, et des mille pensées qui les agitent. Hippocrate lui-même rapporte qu’une Éthiopienne, ayant mis au jour un fils d’une grande beauté, fut soupçonnée d’adultère ; elle demanda qu’on regardât la peinture qui était sur son lit, et comme on trouva des figures remarquables par leur beauté, elle fut lavée de tout soupçon. Un fait analogue est arrivé en Russie au commencement de ce siècle. Une dame noble mit au monde un mulâtre, et l’académie de Moscou décida que, la dame ayant un domestique nègre, il fallait attribuer à sa vue la couleur singulière de l’enfant. Cette influence de l’imagination a été longtemps admise, même chez les animaux. Vanini, sur l’autorité d’Aristote, pensait que, pour obtenir des poulains de couleur verte, il suffisait de couvrir le père et la mère de housses de cette couleur. Enfin les brebis de Jacob naquirent aussi bigarrées, par l’adresse qu’il avait eue de mettre devant leurs yeux, lorsqu’elles allaient à l’abreuvoir, des branches dont la moitié était écorcée. Pline et Rabelais parlent d’un animal auquel ils donnent le nom de tarande, qui change de couleur suivant les objets qui passent devant ses yeux. Mais, quand même on accepterait tous ces faits, quand même l’histoire de cette femme que cite Prichard et qui se transformait en négresse à l’époque de ses couches serait véritable, des accidens particuliers ne produiraient pas des effets permanens ; je passe donc au dernier argument, à la raison décisive, suivant M. Hollard : je veux parler de la facilité avec laquelle les diverses races humaines peuvent se mêler ensemble et produire des métis féconds. Là est sans contredit le point le plus fort de la théorie des unitaires.

La classe des mammifères, à laquelle appartient l’homme dans la classification de Cuvier, se divise en trois sous-classes séparées les unes des autres par des différences organiques et physiologiques. Chacune de ces sous-classes renferme une série d’ordres faciles à distinguer et bien caractérisés. Pour apprécier leurs différences, il suffit de comparer, par exemple, les mains des singes aux pattes des animaux carnassiers, aux pieds des chevaux, aux ailes des chauves-souris, sans compter les autres distinctions tirées du système dentaire. Les ordres comprennent les familles qui se distinguent entre elles par le nombre des doigts, la forme des membres, le nombre et la configuration des dents. Ainsi les ours ou plantigrades appuient leur talon sur le sol ; les chiens, digitigrades, marchent sur leurs doigts ; les singes de l’ancien continent n’ont que vingt dents molaires, tandis que les sapajous du Nouveau-monde en ont vingt-quatre. Enfin la distinction entre les genres d’une même famille est aussi facile à faire. Le genre orang manque de queue et d’abat-joues ; le genre chien joint à des ongles immobiles et propres à creuser le sol une langue à surface unie et deux dents tuberculeuses derrière la principale dent carnassière, ce qui indique la faculté de mêler quelques substances végétales à son régime animal, tandis que son genre le plus voisin, le genre chat, a des ongles crochus munis d’un ligament élastique qui lui permet de les faire sortir et de les retirer à volonté ; en outre, il n’a qu’une dent tuberculeuse rudimentaire à la mâchoire supérieure. On le voit par ces exemples, les caractères génériques sont appareils et faciles à constater, car ils intéressent à la fois l’organisation et les actes de l’animal ; ils décident de