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dans ces circonstances pour tous les intérêts et les entreprises dont se compose la vie intérieure, c’est avec l’éloignement du théâtre de la guerre, le soin qu’ont pris l’Angleterre et la France de multiplier les garanties en faveur du commerce. Aussi, malgré l’influence nécessaire et inévitable des événemens, pourrait-on plutôt remarquer quelque amélioration dans la situation matérielle. C’est ce que prouve le dernier compte-rendu de la Banque, qui présente un assez notable accroissement de l’encaisse, — et avec ce retour de l’argent dans les caisses de la Banque a coïncidé une mesure favorable au commerce : la diminution du taux de l’escompte. Au hasard d’imaginer l’impossible, n’est-ce point là ce qui serait désirable, de voir tous les intérêts suivre leur cours ? D’un côté, ce sont les entreprises d’utilité publique à conduire à leur fin ; de l’autre, ce sont les questions législatives à résoudre. Il en est un certain nombre de ce genre dont le corps législatif a été saisi et qu’il étudie, qu’il vote successivement : elles touchent à l’instruction publique, au système postal, qui est l’objet d’une réforme nouvelle, au régime pénal, modifie sur deux points principaux. L’une de ces modifications, on le sait, a trait à la mort civile ; l’autre touche à l’application de la peine des travaux forcés, et n’est que la conséquence de la suppression des bagnes, décrétée en principe en 1852. C’est par des colonies pénales que les bagnes sont remplacés ; déjà il existe une de ces colonies à la Guyane, et la loi ne fait que consacrer le principe de ce système, qui a reçu un commencement d’exécution. Par elles-mêmes, les colonies pénitentiaires où le travail, un travail réel et efficace, se mêle aux rigueurs du châtiment, ces colonies sont certes destinées à remplacer avantageusement ces sentimens de perversité organisées dans les bagnes ; mais quelle sera la situation des condamnés pendant qu’ils subiront leur peine ? quel sera leur régime ? C’est là ce qui est réservé à la décision administrative, qui aura à faire un choix entre les divers systèmes de discipline pénitentiaire. Ce ne sont point les systèmes qui manquent, une fois de plus ils se sont trouvés en présence. Chose étrange, au milieu des faits contemporains, qu’on observe une simple loi pénale : ne peut-on pas y voir comme un relief de toute la vie politique d’un pays ? Suivant les circonstances, suivant la nature des événemens par lesquels passe le pays, la pénalité diminue et se trouve désarmée ou reprend une force nouvelle. Suivant les doctrines des hommes, suivant les influences morales qui règnent dans la société, elle prend une sorte de caractère religieux et terrible, ou elle est considérée comme une sorte de tyrannie à laquelle il faut se hâter le plus possible de soustraire les criminels en les entourant de soins minutieux, presque de bien-être. Allez au fond, c’est le résumé de toutes les luttes morales d’une société.

Quelque puissans et impérieux que soient les faits, quelque place qu’ils occupent dans l’enchaînement des choses, la plus éloquente histoire d’un temps n’est-elle pas dans ce travail des idées et des opinions qui montre le problème de la destinée de l’homme et des sociétés successivement résolu de tant de manières et à des points de vue si divers ? Les faits eux-mêmes ne prennent tout leur sens que rapprochés de ce travail permanent ; ils ne sont rien que le jeu capricieux de la force, séparés de cette partie intellectuelle et morale de l’histoire. Ce n’est point à l’improviste qu’ils font une