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peut-être, et certainement plus généreux, ceux qui croient que la meilleure arme contre l’erreur est la vérité, que la raison est l’adversaire naturel de la déraison, qu’un système qui en remplace un autre ne le réfute pas, et que persuader les esprits vaut mieux que les comprimer. Les écoles ne manquent pas où la thèse contraire se prêche sous le nom menteur du principe d’autorité ; honneur aux écoles qui s’ouvrent pour restaurer le principe de la raison !

C’est par cette pensée que commence l’ouvrage de M. Gratry, et nous croyons qu’elle anime l’institution à laquelle il appartient. Parmi les écoles, en effet, qui n’ont pas juré une guerre mortelle à l’esprit humain, il s’en est rouvert une dont le nom n’est pas sans honneur, et nous annoncerons peut-être une chose nouvelle à une partie du public en disant que l’Oratoire est rétabli dans le diocèse de Paris. L’Oratoire était, comme on sait, un institut religieux fondé parmi nous, non dans les ténèbres du moyen âge, mais dans la lumière du XVIIe siècle. Il avait cet avantage, que des vœux perpétuels n’enchaînaient point ses membres. Soumis à la juridiction épiscopale, le supérieur résidait en France, et son autorité était subordonnée à celle de l’assemblée générale ; c’était donc une communauté séculière et une institution toute nationale. Les congrégations autrement constituées sont sans patrie. Aussi faut-il bien avouer que celle de l’Oratoire n’échappa pas aux atteintes du génie de notre France. Elle ne fut pas exempte de penser comme Descartes, et le père Malebranche est là pour en témoigner. Elle eut sur l’église quelques-unes de ces idées que Bossuet aurait bien voulu soutenir jusqu’au bout, et fut gallicane au risque d’entendre dire qu’elle était janséniste. enfin, cédant à l’esprit de prudence du temps, nous nous abstiendrons de rappeler ce qu’il y a quelque soixante ans on pensa, dans le sein de l’Oratoire, d’un certain événement dont le monde n’a peut-être pas perdu le souvenir.

L’Oratoire renaît aujourd’hui. On sait comme toutes choses sont changées ; la moins changée de toutes les choses, du moins en France, n’est pas l’église. Tout ce qui rappelle ou atteste certains souvenirs nationaux n’y est pas en honneur. Non-seulement sur les questions d’organisation, de discipline, mais sur les questions éternelles de la pure spiritualité, un nouvel esprit d’absolutisme ecclésiastique a, sous prétexte d’unité, renversé nos vieilles traditions. L’autorité, et j’entends l’autorité visible, est devenue pour un assez grand nombre le seul argument et le premier dogme. Au milieu de cette uniformité extérieure qu’on s’efforce d’imposer, le rétablissement d’une institution spéciale, locale, qui a des antécédens propres, n’était pas une chose qui allât de soi. La tentative avait ses difficultés ; de grands ménagemens étaient nécessaires. On les a pris tous. Des déclarations rassurantes ont été faites. L’Oratoire de Jésus a humblement changé