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28 août, à l’occasion du départ de la reine Christine. Le ministère fait ce qu’il peut pour soutenir le fardeau de la situation créée par le dernier mouvement révolutionnaire, et pour sauvegarder du moins la paix matérielle ; mais l’incertitude politique n’est pas près de se dissiper au-delà des Pyrénées, et l’état général du pays, compliqué par l’apparition d’un fléau désastreux, est loin de reprendre un aspect plus régulier. À vrai dire, le ministère lui-même participe de cette incertitude et de cette incohérence de la situation de l’Espagne. Le moins embarrassé des membres du cabinet n’est point, à coup sûr, le ministre des finances, qui se trouve en présence d’une diminution de toutes les recettes, d’un accroissement de dépenses, suites de la dernière révolution, et d’une dette flottante plus élevée qu’elle ne l’a jamais été, même sous les ministères précédens. N’y eût-il que cette difficulté, elle serait déjà considérable. Il en existe malheureusement une autre plus grave encore, c’est la lutte évidente d’influences qui travaille le ministère. On a parlé d’une crise qui aurait pour résultat d’envoyer le ministre des affaires étrangères, M. Pacheco, à Rome, de faire passer aux affaires étrangères le général O’Donnell, et de donner à ce dernier pour successeur au ministère de la guerre le général Gurrea, dévoué partisan d’Espartero. C’était en même temps affaiblir la partie modérée du cabinet et enlever au général O’Donnell la direction de l’armée. Que ce plan ait été conçu, cela ne semble point offrir de doute. Il a échoué seulement devant le refus du général O’Donnell, et le ministère restera sans doute tel qu’il est pendant les élections qui vont s’accomplir et jusqu’à la réunion des cortès, qui doit avoir lieu le 8 novembre.

C’est là aujourd’hui l’intérêt dominant de la situation de l’Espagne, livrée depuis deux mois à une direction provisoire. Que va-t-il sortir de ces élections ? Il est d’autant plus difficile de le pressentir, que le sort de la Péninsule est soumis à ce jeu de hasard qu’on nomme le scrutin de liste. De toutes parts déjà s’organise le mouvement électoral et se préparent les candidatures. On en cite de toutes les couleurs, et même l’un des membres du ministère San-Luis, M. Esteban Collantes, se présente, dit-on, à Palencia. La manifestation la plus sérieuse qui ait eu lieu pour imprimer une direction à ce mouvement électoral est celle de ce qu’on nomme l’union libérale, qui représente la fusion des divers élémens libéraux ralliés à la dernière révolution. L’union libérale s’est rassemblée au théâtre de l’Oriente, sous la présidence du général Concha, marquis del Duero, et elle a adopté un programme qu’elle propose aux électeurs. Tel qu’il a été définitivement adopté, ce programme comprend l’institution de la garde nationale pour la protection de l’ordre public, la liberté de la presse, l’élection populaire des députations provinciales et des municipalités, la réforme des budgets, une loi organique sur l’instruction et sur l’admission dans les fonctions publiques, l’organisation de l’armée permanente et de la flotte, la construction des chemins de fer et un examen sévère des concessions antérieures, la centralisation des intérêts nationaux et politiques combinée avec la décentralisation de la vie communale, l’établissement inexorable de la responsabilité ministérielle tant pour le passé que pour l’avenir, etc. On peut croire que plus d’un des articles de ce programme restera en route, d’autant plus qu’on n’en est pas à expérimenter au-delà des Pyrénées les effets de plusieurs de ces dispositions. L’adoption de ce pro-