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fatiguée de l’opposition sourde ou avouée qu’elle rencontre là même où elle était légalement autorisée à compter sur un loyal concours, laisse entendre que, si l’on tient à se séparer d’elle, elle en prendra son parti et suivra la voie que lui tracent ses intérêts. Tel est l’objet de la dépêche, en date du 30 septembre, adressée par le comte Buol au ministre de l’empereur à Berlin. La démarche de l’Autriche a d’autant plus d’importance, que, quelques jours auparavant, cette puissance répondait dans le même esprit à un mémorandum bavarois où se trouvaient reproduites, sous une autre forme, les objections de la Prusse.

On sait les points sur lesquels roule la discussion entre l’Autriche et les anciens confédérés de Bamberg, que le cabinet de Berlin combattait naguère encore, et à la tête desquels, pour toute ambition, il aspire aujourd’hui à se placer. Le traité du 20 avril est-il ou non resté en vigueur ? Conserve-t-il ou non toute sa force depuis que les principautés du Danube sont évacuées par les Russes ? La négative ne serait pas douteuse, si l’on prouvait que le but en vue duquel le traité a été conclu se trouve atteint ; mais l’évacuation des principautés n’implique de la part de la Russie aucun engagement propre à rassurer les intérêts germaniques. La retraite de ses troupes derrière le Pruth n’a rien de définitif ni d’irrévocable. Si elle a quitté la Moldo-Valachie, c’est par des considérations stratégiques qui peuvent l’y ramener demain. Le traité de Berlin, n’eût-il d’autre objet que l’évacuation des deux principautés, demeure donc obligatoire en principe. D’autre part, il est bien prouvé, et la Prusse le reconnaît, que l’occupation des principautés par l’Autriche est conforme aux intérêts germaniques et à l’esprit du traité de Berlin. Or la Prusse reconnaît également que, dans le cas où l’Autriche serait attaquée par suite de la conduite qu’elle aurait suivie pour assurer l’objet du traité, les obligations contractées deviendraient exécutoires. N’y a-t-il donc aucun danger pour les troupes autrichiennes d’être attaquées par la Russie dans les positions qu’elles ont prises de l’autre côté des Carpathes ? Du moment où un retour agressif de la Russie reste possible, du moment où elle ne s’interdit pas de franchir de nouveau le Pruth, rien n’assure que l’Autriche ne sera pas troublée dans la démonstration militaire que les intérêts allemands lui imposaient impérieusement. Le traité n’est donc point seulement en vigueur : s’il n’exige pas de la Prusse une action immédiate, il lui commande du moins des préparatifs qui la mettent en mesure de faire face à un danger éventuel, et qui peut être prochain.

La Prusse évidemment ne se fait pas d’illusions sur la valeur des fins qu’elle oppose à des considérations qui ne comportent pas de réplique ; aussi est-ce en dehors du traité lui-même qu’elle va chercher des prétextes pour abriter sa faiblesse. Elle voudrait que, tout en prenant la défense des intérêts germaniques compromis ou menacés, le cabinet de Vienne s’engageât à ne coopérer en rien avec les puissances occidentales. Elle lui demande de se réserver l’occupation exclusive des principautés, d’en refuser l’accès à la Turquie, dont elles sont la possession, et sans l’assentiment de laquelle les troupes autrichiennes n’avaient aucun droit d’en franchir la frontière. Elle désirerait que l’entrée en fût fermée aux armées alliées de la Porte en dépit du traité par lequel cette puissance s’est engagée à les laisser libres de choisir le point de