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il faut plutôt dire que, ayant pourvu à ses besoins les plus urgents par l’assimilation d’une petite quantité d’espèces utiles, il a ralenti son action sur la nature organique, et abandonné une victoire qui demandait trop de sacrifices à sa paresse.

L’Europe ne possède encore que trente-cinq espèces domestiques, parmi lesquelles trente et une sont originaires de l’ancien monde et quatre de l’Amérique. Évidemment, c’est trop peu, tous les naturalistes sérieux en conviennent ; quelques-uns ont même émis le vœu et conçu l’espérance d’accroître la famille de nos animaux utiles. Pour se rendre compte de la somme de bienfaits que répandrait sur l’agriculture, sur l’industrie, sur les arts, l’acquisition des espèces exotiques confinées aujourd’hui bien au-delà des limites de l’Europe, il faut se figurer la perte que feraient nos civilisations, si l’une des espèces d’animaux acclimatés depuis longtemps, comme le cheval, l’âne, le mouton, le bœuf, la poule, venait à disparaître. La richesse publique en serait visiblement atteinte, et l’économie sociale aurait autant à déplorer une telle perte que l’histoire naturelle. Parmi ces animaux en effet, les uns contribuent à notre alimentation ; les autres, comme le mouton, servent en même temps à nous nourrir et à nous vêtir ; les autres enfin, en qualité d’auxiliaires, prennent à la charge de leurs membres vigoureux une somme de travail qui, eux absents, retomberait tout entière sur les bras de l’Homme. I ! a fallu la maladie des pommes de terre pour nous apprendre la valeur économique de ce tubercule et l’étendue des services que Parmentier nous a rendus en le propageant : faudra-t-il de même une épizootie générale et terrible pour nous enseigner de quelle importance est la culture du règne animal ? Dî, talem avertite casum ! La raison seule doit nous apprendre de quels bienfaits nous sommes redevables aux premiers hommes qui ont accouplé les bœufs sous le joug, dompté le cheval, adouci le sanglier, et quelle reconnaissance attend dans l’avenir la main assez heureuse pour doter l’Europe d’une nouvelle espèce domestique.

III.

Il doit suffire maintenant de passer rapidement en revue le règne animal pour voir, dans chaque grande division de la vie organique, quels sont les types dont il est raisonnable d’espérer la conquête.

Aux carnassiers, l’Européen a demandé le plus utile et le plus intelligent de ses auxiliaires, le chien ; puis, cela fait, il s’est arrêté. Quelques personnes ignorantes des faits s’imaginent que si l’industrie humaine n’a point réclamé à l’état de nature la plupart des grands carnivores, c’est qu’elle a reculé devant la férocité naturelle