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la prédominance de l’élément militaire, l’art de la fauconnerie tenait une grande place dans le monde. Les caractères de la féodalité, la vie de château, les mœurs de cette sanglante époque se reflétaient dans les habitudes de l’oiseau de proie, dont l’éducation ne faisait que diriger les instincts sauvages et destructeurs. L’art de la fauconnerie a disparu avec la hiérarchie des castes, avec les grandes fortunes d’épée, avec le pillage et la dévastation. L’éducation actuelle de notre règne animal domestique doit refléter les traits d’une société industrieuse qui aspire au bien-être sans doute, mais qui compte fonder sa prospérité matérielle sur les conquêtes de la paix et du travail. La chasse exprime l’enfance de notre action sur les espèces alimentaires, comme le butin auquel la guerre donne naissance exprime l’enfance de l’économie politique. Le choix des races ornithologiques dont l’acclimatation peut enrichir nos volières, nos parcs ou nos basses-cours, doit être dirigé aujourd’hui, non par un fol orgueil, ni par un but de déprédation, mais par la recherche de l’utile et par le respect de tous les droits.

Un obstacle s’opposait jusqu’ici à ce que les grandes espèces d’oiseaux exotiques se reproduisissent dans nos climats ; on n’avait jamais pu obtenir que les œufs d’autruche et de casoar donnassent lieu à des naissances par les voies naturelles. Aujourd’hui les naturalistes ont le droit de compter, pour le succès, sur la puissance des incubateurs hydrauliques dont la Grande-Bretagne a perfectionné l’échelle. Déjà des œufs d’autruche et de casoar ont été soumis à ces appareils ; une vive curiosité s’attache à cette incubation artificielle, que l’on voit se faire à travers une vitre. Si ces essais réussissent, l’industrie nationale ne sera bientôt plus tributaire de l’Afrique pour ces belles plumes qui font l’orgueil et la parure des femmes. C’est, dans tous les cas, un spectacle digne de l’homme que d’assister au silencieux travail de la germination de l’œuf, à l’éclosion des petits, à tous ces mystères, en un mot, que la femelle de l’oiseau ensevelit d’ordinaire sous ses ailes, et qui sont révélés cette fois par l’instrument dispensateur indiscret de la chaleur et de la vie.

Le zèle des acclimatateurs devra s’attacher surtout à la famille des gallinacés. La série de nos volailles est jusqu’ici peu variée ; il y manque une foule de sujets que possèdent soit l’Afrique, soit l’Australie, soit le Nouveau-Monde. Il nous suffira d’indiquer le hocco et le pauxi. Quand on considère les mœurs familières de ces oiseaux, quand on sait avec quelle facilité ils passent de l’état de nature à l’état domestique, quand on songe qu’ils ont été depuis longtemps apprivoisés dans plusieurs parties de l’Amérique du Sud, on est, en vérité, surpris de chercher ces oiseaux sur nos tables et de ne les point trouver. Que le hocco puisse s’habituer à nos climats, c’est ce