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qui ne doit plus former pour nous l’objet d’un doute. Le hocco a déjà été naturalisé une fois en Hollande, où il devint aussi prolifique au bout de quelques mois que la plupart de nos volailles communes. Cette conquête avait été commencée un peu avant la première révolution française, et elle serait assurée maintenant sans les troubles civils et les guerres qui traversèrent alors la Hollande. L’établissement dans lequel la conquête du hocco avait été entreprise fut emporté par l’orage ; la nouvelle race domestique fut dispersée, les soins et les peines donnés à l’éducation de cet oiseau se trouvèrent perdus. Si les naturalistes regardaient moins aux grands intérêts de l’humanité qu’aux pertes et aux inconvénients qui les touchent, ils auraient là un beau motif d’incriminer les révolutions. Quoi qu’il en soit, la conquête du hocco est aujourd’hui à recommencer : cette charge incombe aux jardins zoologiques. L’introduction de cet oiseau dans nos climats serait désirable à plus d’un point de vue : non-seulement sa taille et sa beauté le recommandent aux amateurs, mais il serait encore recherché sur nos marchés pour l’excellence de sa chair, qui surpasse, dit-on, en saveur, celle du faisan.

La famille des poissons nous a encore moins fourni d’espèces étrangères que la famille des oiseaux. Jusqu’ici, l’homme en est presque réduit à se nourrir des quelques espèces ichtyologiques dont l’avare nature a peuplé les lacs, les fleuves, les rivières, les étangs, sur le bord desquels il est destiné à vivre, et cependant le cyprin doré, si commun dans nos villes, qu’il forme souvent le seul luxe du pauvre, le cyprin doré est là pour nous dire qu’on peut enlever un poisson à son soleil natal, fût-ce celui de la Chine, et lui donner pour patrie les contrées les plus brumeuses. La pisciculture est encore dans l’enfance, mais cet art est appelé à faire des progrès incalculables. Les nouveaux appareils que la Grande-Bretagne vient de se donner permettent d’observer à travers une cuve de cristal les mœurs, les amours, les naissances des poissons et des mollusques. Une telle étude de la vie aquatique servira, sans aucun doute, à diriger notre action avec connaissance de cause sur les diverses tribus d’un peuple qui se couvrait jusqu’ici contre nos regards des voiles et des profondeurs de son élément vital. Cette invention n’est rien, comparée à l’œuvre de la fécondation artificielle. Nous n’avons plus à indiquer ici en quoi consiste cette expérience ( [1] ).

Non contente de créer des animaux à volonté, comme le chimiste forme des sels, la science a voulu faire mieux encore ; elle a voulu, en croisant la semence d’une espèce avec celle d’une autre espèce, produire des espèces nouvelles. Quoique les essais tentés jusqu’ici

  1. Voyez, dans la livraison du 1" juin 1854, la Pisciculture par M. J. Haime.