Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/719

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assimilé ; ils ont tiré de lui un auxiliaire qui, par ses formes et ses instincts variés, se prête aux besoins les plus compliqués de l’agriculture et de l’industrie. Accroître les forces des anciennes races domestiques, c’est accroître la somme de bien-être que nous sommes en droit d’attendre de leurs services. Les directeurs des jardins zoologiques auraient donc encore, sous ce point de vue, une mission à remplir : ces établissements pourraient devenir de véritables institutions économiques d’histoire naturelle. La culture du règne animal, en augmentant les moyens de subsistance et les instruments de travail, pourvoirait, dans une certaine mesure, au soulagement des classes laborieuses.

L’art d’améliorer les races s’appuie sur des lois aujourd’hui connues, et la première de ces lois, c’est l’hérédité des caractères acquis. Les êtres organisés tendent à reproduire par voie de génération non-seulement le type de leur espèce, mais encore les circonstances fortuites qui ont modifié, altéré ou embelli ce type fondamental. Les causes accidentelles et fugitives peuvent ainsi donner naissance à des formes stables. Sur ces principes, il s’est établi une science pratique dont les résultats sont aussi merveilleux que profitables à la richesse publique des nations. En agissant sur les individus du règne animal, l’homme agit par voie de transmission sur la race ; il sculpte -ainsi dans la vie l’idéal de ses besoins et de ses désirs. Aux formes primitives de la nature il substitue des formes belles, si l’on peut ainsi dire, d’utilité. Les variétés naissent sous sa main : il allonge ou raccourcit les membres antérieurs et postérieurs du cheval, il charge de chair les parties succulentes du bœuf, il accroît le volume de la queue dans certains moutons et le nombre des cornes dans quelques autres ; par le croisement, il engendre des races nouvelles de mammifères et d’oiseaux, dont il façonne jusqu’au poil, jusqu’à la plume. Ce ne sont pas seulement quelques caractères physiques, extérieurs, qui sortent des modifications imposées à l’animal par la volonté de l’homme ; les instincts les plus surprenants, les plus détournés, souvent même les plus opposés en apparence aux mœurs de l’état sauvage, s’enracinent par l’habitude et par l’éducation. Non-seulement l’animal acquiert les facultés que l’art lui communique, mais encore il perd celles dont l’avait pourvu la nature. Ses anciennes dispositions s’effacent, ses goûts primitifs se perdent dans la croissance organique de la race et dans les nouvelles manifestations dont elle s’enrichit. Ce n’est plus le même être : l’animal ainsi modifié, moulé en quelque sorte sur les appétits, les convoitises, les caprices ou les calculs de l’homme, est un véritable produit industriel. Les jardins zoologiques où de pareilles expériences seraient tentées deviendraient