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veut connaître quelles ont été les études de Bossuet, vérifier la date de ses discours, discuter l’authenticité de telle ou telle partie de ses ouvrages, constater enfin les progrès de cette pensée et de cette élocution souveraines. Sur des points aussi essentiels, les informations de M. de Bausset sont à peu près nulles ; elles satisfont mal le lecteur ; un critique n’y trouverait aucun secours. Ce sont précisément, ces regrettables lacunes que M. Floquet a pris à tâche de combler dans les trois volumes qu’il vient de donner au public sous le titre d’Études sur la vie de Bossuet jusqu’à son entrée en fonctions en qualité de précepteur du dauphin. Cette période de la vie de Bossuet, grâce aux recherches patientes de M. Floquet, n’a plus rien d’obscur, et quelques détails suffiront pour montrer l’intérêt qui s’y attache.

Né à Dijon, d’une famille de robe, élevé parmi les hommes graves de sa parenté, les Mochet, les Bretagne, les Bossuet, magistrats dévoués au roi pendant la ligue, serviteurs affectionnés de Louis de Bourbon, gouverneur de la Bourgogne en 1631, le jeune Jacques-Bénigne grandit à l’école du respect, et se vit, à son début, assuré d’une protection puissante, qui devait peu à peu se changer en une noble familiarité. Des lettres inédites, et que M. Floquet déclare devoir aux archives de la maison de Condé, mettent en pleine lumière les intimes rapports du vainqueur de Rocroy et de son panégyriste immortel. Et ces rapports, comme on sait, s’établirent, pour ne se rompre jamais, le jour où, accompagné de quelques-uns de ses gentilshommes, le prince vint au collège de Navarre assister et presque prendre part à la discussion des thèses que Bossuet avait obtenu la permission de lui dédier. Quels furent les maîtres de Bossuet à Navarre, et d’abord chez les jésuites de Dijon, au collège des Godrans ? à quels auteurs s’attacha-t-il de préférences sous quelle discipline se forma ce beau génie ? Ce sont là des questions que M. Floquet devait chercher à résoudre. Il nous montre Bossuet, dont les premiers enthousiasmes avaient éclaté à la lecture de la Bible, Méprenant également d’amour pour Cicéron et pour Virgile, et surprenant par la précocité de son intelligence autant que par son âpreté au travail ses doctes professeurs des Godrans, les pères Jacques Viguier et Claude Perry. À Navarre, Bossuet rencontra des maîtres également distingués par la science, la vertu et le caractère ; mais évidemment son éducation fût restée incomplète sans la retraite où, au sortir de Navarre, il courut s’ensevelir. En effet, c’est pendant son séjour à Metz que, malgré les nombreuses et minutieuses affaires où il fut employé, l’archidiacre de Sarrebourg acquit une si parfaite connaissance des pères, qu’il devait mériter un jour le glorieux surnom de père grec. Saint Augustin, saint Athanase, saint Chrysostome, saint Grégoire de Naziance notamment, étaient sans cesse entre ses mains. Habituellement même il interrompait son sommeil afin de continuer durant le calme des nuits ses fortes et attachantes lectures. Là est le secret de cette irrésistible dialectique, qui présageait dès 1654 le Discours sur l’Histoire universelle et l’Histoire des Variations. Là de même est la source vive de cette éloquence qui s’est répandue en tant de pathétiques discours, sermons, oraisons funèbres, panégyriques, qu’il écrivait d’ordinaire après avoir dit, car Bossuet ne se préparait à l’action que par la méditation. C’était assez pour lui d’avoir assuré les divisions, ordonné les idées principales, réuni les preuves, choisi les textes de son sujet : « Mon sermon est fait, disait-il, ne me restant plus