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riations ordinaires des besoins et des ressources des pays desservis, et ne feront plus qu’en suivre les progrès réguliers? Pour le supposer, il faudrait fermer les yeux sur la situation économique des états autrichiens, sur l’imperfection de leurs voies de transport, n’avoir pas vu ces populations vêtues de peaux de mouton, qui portent encore le costume des Daces représentés à Rome sur les enroulemens de la colonne Trajane. A mesure que l’Autriche mettra ses communications au niveau de celles des autres états allemands (et il lui reste beaucoup à faire pour cela), le commerce de Trieste pénétrera dans son sein par irruptions aussi rapides que puissantes. Il suffit, pour entrevoir l’échelle sur laquelle s’opéreront ces invasions, de se rappeler qu’au sud de vienne le pays est encore alimenté de denrées coloniales par Amsterdam et par Hambourg, et que les ateliers où l’on sale pour la marine les porcs de la Basse-Hongrie se trouvent sur les bords de la Mer du Word. Un revirement complet ne peut manquer d’être imminent dans des relations si singulièrement établies, et peut-être n’attend-il, pour se dessiner, que la jonction du chemin de fer de Vienne avec le port de Trieste. Cette voie ne sera pas, à son début, moins animée que notre chemin de Lyon à la Méditerranée; elle aura un bien plus vaste champ d’exploitation quand l’embranchement de Cilly à Pesth lui donnera pour tributaire la moitié de la Hongrie, et chacun des véhicules qui s’élanceront sur ses rails entendra répondre à son appel les flottes de l’Adriatique. Cet état de choses sera le point de départ d’une progression dont il serait difficile de préciser le terme. Le royaume lombard-vénitien tient de sa configuration géographique des voies d’approvisionnement qui lui sont propres, et la Rivière de Gênes, l’atterrage de Venise, sont ses débouchés les plus naturels; mais la masse compacte des provinces autrichiennes qui forment au nord des Alpes et à l’est du golfe le corps de l’empire ne saurait avoir de rapports faciles avec la mer que par Trieste. La population de ces provinces est de 30,966,000 âmes, c’est-à-dire qu’elle équivaut à celle de la France, en 1821; leur superficie étant de 60,398,000 hectares, est de 7,357,000 hectares supérieure à la nôtre, et nous ne pouvons pas nous flatter de l’emporter par la fertilité naturelle du sol. Trieste doit donc être un jour pour l’empire d’Autriche ce que sont pour la France Marseille, Bordeaux, Nantes et Le Havre réunis, et peut-être ne faut-il que remonter de quelques années dans le passé de ces villes pour calculer, par la plus élémentaire des opérations, l’avenir prochain de la nouvelle métropole de l’Adriatique. La chambre de commerce de Trieste, avec sa supériorité d’intelligence habituelle, s’associait, en 1847, à une compagnie française pour l’étude des conditions du percement de l’isthme de Suez ; elle faisait en même temps explorer, par un missionnaire aussi clairvoyant que