Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/548

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs atomes. Il aurait peut-être su voir pourquoi des substances, comme la tourmaline, changent de couleur lorsqu’elles sont chauffées ou refroidies, et pourquoi un même corps, entrant dans des combinaisons diverses, se présente sous des aspects différens. Ces divers changemens, les franges colorées, les interférences, l’inflexion, ont aussi successivement attiré l’attention de Newton, et ses expériences sont exposées dans son Traité d’optique, publié pour la première fois en entier en 1704. C’est à cet ouvrage qu’il faut renvoyer les lecteurs qui aiment la science, car pour expliquer en quoi il s’est trompé, en quoi il a bien vu, on serait forcé de suivre toute la série de ses travaux et d’arriver à ceux des physiciens plus récens, Young, Fresnel, Arago, M. Biot, M. Brewster et M. de La Provostaye.

Quoique ce Traité d’optique ne soit pas hérissé de formules comme les ouvrages modernes, les mathématiques n’y sont pas négligées, et le calcul y vient souvent en aide à l’expérimentateur. L’une de ses applications qu’il faut connaître permit à Newton de conclure de la réfraction la nature de quelques combinaisons chimiques. Il avait remarqué que les forces réfringentes et réfléchissantes des corps sont proportionnelles à leur densité. Il n’y a d’exception, dit-il, que pour les corps onctueux et sulfureux (c’est-à-dire ceux qui brûlent comme l’huile et le soufre), lesquels, à densité égale, réfractent ou dévient davantage les rayons de lumière. Il fut donc conduit à étudier la connexion qui existe entre la composition chimique des corps et leurs propriétés optiques. Il vérifia ainsi que pour le cristal de roche, la topaze, le spath d’Islande, l’air, la réfraction est proportionnelle à la densité. Il n’en est pas de même pour l’huile d’olive et de lin, pour la térébenthine, pour le diamant et pour l’eau. Une induction plus hardie que rationnelle lui fit supposer en conséquence que ces deux substances renferment un corps combustible, et en effet tout le monde sait aujourd’hui que le diamant est du charbon et que l’eau contient du gaz hydrogène. Il est intéressant de voir un homme qui mettait la plus grande sévérité dans ses expériences et la plus grande réserve dans ses conjectures ne pas hésiter à suivre les conséquences d’une vérité aussi loin qu’elles pouvaient le conduire, le résultat parût-il tout à fait contraire aux préjugés les plus raisonnables de son temps. Aujourd’hui l’on sait que le pouvoir réfringent dépend plus de la composition chimique des corps que de leur densité, et la conjecture de Newton est expliquée. Ce qui lui fait moins d’honneur, c’est qu’après avoir vu que des cristaux d’une forme particulière, comme le spath d’Islande, ont la propriété de diviser les rayons incidens en deux faisceaux diversement dirigés et réfractés, phénomène connu sous le nom de double réfraction, New l’on ne parle pas de Bartholin, qui l’avait étudié avant lui.

Toutes ces théories, toutes ces découvertes ne se firent pas sans