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le développement de l’art et de l’industrie, les aspirations, les triomphes, les défaillances ; ils nous doivent le fruit de leurs études comme nous leur devons notre attention. Il ne faut pas nous laisser abuser par le prestige de la distance : il y a des œuvres fort vieilles qui ne méritent que l’oubli, il y a des œuvres nées d’hier et qui ont déjà vieilli, ou qui plutôt n’ont jamais eu de jeunesse. La pleine intelligence de l’histoire nous prémunit contre l’admiration des ruines sans valeur et des nouveautés sans jeunesse. Quand on connaît les métamorphoses de l’art et de l’industrie depuis Périclès jusqu’à Louis XIV, on n’est pas facile à surprendre, facile à tromper ; on ne se laisse pas éblouir par la richesse de la matière : on veut, on demande avant tout l’accomplissement d’un dessein, on préfère le chêne sculpté par une main habile à l’ébène tourmenté par un ciseau maladroit.

L’origine assignée aux arts et à l’industrie par M. de Laborde échappe, je l’avoue, à toute discussion, car cette origine, d’après le nouvel historien, remonterait au-delà du déluge. L’auteur dit expressément qu’Adam est l’inventeur des arts et de l’industrie. Le premier homme, se voyant nu, se serait fait industriel. Chassé du paradis terrestre, il aurait emporté de ce bienheureux séjour le sentiment du beau. Cette explication plaira-t-elle aux théologiens ? Je n’oserais l’affirmer. Du premier vêtement d’Adam aux draps de Louviers, aux soieries de Lyon, l’intervalle à franchir est si considérable, qu’il eût été plus sage de placer plus près de nous l’origine de l’industrie. Ceux qui connaissent la Genèse se rappellent que le vêtement imaginé par le premier homme pour couvrir sa nudité n’était pas l’œuvre de ses mains. Quant au sentiment du beau, qui aurait pris naissance dans le paradis terrestre, c’est une hypothèse un peu hardie, qui ne s’accorde pas avec le premier livre de l’Ancien Testament. Moïse parle du bonheur du premier homme dans son premier séjour, mais le bonheur et le sentiment du beau ne sont pas une seule et même chose. Je crois donc que M. de Laborde s’est montré un peu téméraire en affirmant qu’Adam est l’inventeur de l’art et de l’industrie.

Cette imprudence me paraît d’autant plus singulière, que l’auteur aime à produire des documens précis et authentiques, et c’est ce qui donne une valeur réelle à son introduction historique. Ceux qui ont étudié le sujet qu’il traite aiment à retrouver ce qu’ils savent, et pour les trois quarts des lecteurs c’est un ensemble de faits nouveaux. Si les idées ne sont pas rigoureusement enchaînées, les documens produits présentent un sérieux intérêt. Aussi je n’hésite pas à dire que cette introduction est la meilleure partie du livre. Sur le sujet même du livre, sur l’union des arts et de l’industrie,