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faut, et probablement le mal réel a été exagéré. Dans un écrit allemand empreint, il est vrai, d’un si violent esprit de dénigrement contre la France qu’il en perd toute autorité, la mortalité annuelle est portée à 20 pour 100. Elle aurait même en certains momens, sans doute lors de l’épidémie de fièvre jaune qui a éclaté en 1855 et 1856, été de 40 pour 100. Quelle que soit la vérité, et dût-elle contenir de sévères enseignemens, l’administration remplirait un devoir en l’opposant aux hypothèses de la malveillance. On s’accorde à dire aujourd’hui à Cayenne que l’état sanitaire s’améliore dans les pénitenciers[1], et l’on ne craint plus de perdre le bénéfice d’une institution que l’Algérie a toujours repoussée avec énergie, que la Nouvelle-Calédonie ne réclame pas, et que Madagascar n’est pas préparé à recevoir. Avec ce secours, la Guyane espère atteindre la destinée prospère que lui promettent en vain depuis trois siècles la fécondité et l’étendue de ses domaines, à qui manquent les bras et les capitaux. La transportation, œuvre de philanthropie pour l’état, est pour elle une source de travail et d’argent.

Enfin la prospérité générale demande tout un système dont le programme découle naturellement des considérations qui précèdent. Nous le résumerons en quelques lignes. Le réseau de la viabilité par terre et par eau devrait être regardé comme le pivot de toute colonisation. On vendrait à bas prix les terres et les forêts domaniales ; on respecterait entièrement la liberté de culture et d’installation ; on accepterait loyalement la moyenne et la petite propriété, non comme un malheur inévitable, mais comme un principe de progrès. En conséquence on faciliterait aux noirs les achats d’immeubles, et en attendant les ventes on donnerait des concessions, pour peu qu’ils fussent en mesure de les mettre en valeur. À l’immigration s’ajouterait le travail des machines et des bestiaux. Le principe électif serait introduit dans la formation du conseil municipal de Cayenne, l’institution municipale s’établirait dans les quatorze quartiers de la colonie. On doterait les communes avec le prix des terres. On instituerait des juges de paix, et tout au moins des assesseurs à côté des commissaires-commandans. On laisserait la banque doubler son capital. On encouragerait les cultures sérieuses par des concours publics et des récompenses ; on honorerait les familles légitimes et nombreuses, surtout dans la classe affranchie, par des témoignages d’estime et des immunités financières ; on ferait de bonne grâce aux hommes de couleur la place à laquelle ils ont droit. On imprimerait à la réforme pénitentiaire un cachet réel d’utilité générale par les travaux publics et d’éducation morale par la famille, la propriété et

  1. Des renseignemens officiels, encore inédits, constatent que la mortalité annuelle est de 8 pour 100, comme elle l’était dans les bagnes.