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Le jeu convenu fut joué avec une parfaite assurance ; le gouvernement provisoire commença par répéter sa demande ordinaire d’un armistice aux généraux alliés. Le duc de Wellington excellait dans cette diplomatie militaire. Il répondit avec son flegme accoutumé que, le grand obstacle à l’armistice ayant été éloigné avec Napoléon, la question se réduisait, selon lui, aux termes suivans : les Anglais et les Prussiens entreraient dans Paris le 7 ; l’armée française évacuerait la capitale et se retirerait de l’autre-côté de la Loire jusqu’à ce que le roi (à sa rentrée, le 8) en avisât autrement. Sa grâce s’offrit même à tenter d’obtenir que le prince Blücher retînt deux jours ses troupes dans leurs positions de Clamart et de Meudon : mais en même temps elle déclara qu’elle ne pouvait consentir à suspendre les hostilités tant qu’il resterait un seul soldat français dans Paris. Ayant reçu cette déclaration expresse de la part de sa grâce, les commissaires se retirèrent.

À force de haine, Blücher rendit aux choses le tragique et le sérieux que tant de dissimulation leur enlevait. Comme on lui avait envoyé pour commissaire un simple général, il requit d’abord du maréchal Davoust un négociateur plus autorisé. De plus il indiqua pour signer la capitulation le palais de Saint-Cloud, et il se hâta d’y porter son quartier-général. Pour couronner l’humiliation de la France, il voulut que la capitulation fût signée dans le même palais d’où étaient sortis tant d’ordres absolus pour la Prusse et l’Europe.


XII. — CONSEIL DE GUERRE. — CONVENTION DE PARIS.

Le projet de capituler allait s’exécuter comme il était convenu ; mais il fallait le déguiser encore aux yeux du grand nombre. Voilà pourquoi, avec un éclat singulier, on réunit un conseil de guerre formé des principaux généraux ; mais en même temps on ne le réunit que dans la matinée du 2 juillet, lorsqu’on était enveloppé de toutes parts. Avec une ruse où il est impossible de ne pas reconnaître la main de Fouché, on posa la question de la défense quand elle put paraître résolue aux yeux mêmes des meilleurs. Si on voulait combattre, c’est le 29, le 30 juin qu’il fallait s’y résoudre ; mais le 2 juillet il était trop tard : la délibération ne pouvait plus servir qu’à masquer les conciliabules avec l’ennemi.

Rien de plus imposant que la réunion des généraux à La Villette, et pourtant il est douteux que la postérité ratifie la décision qu’ils prirent de rendre Paris sans combat. Quelle différence on vit alors entre 1814 et 1815 ! L’année précédente, en des circonstances plus désespérées, les maréchaux Mortier et Marmont, avec une vingtaine de mille hommes, n’avaient pas hésité un instant à livrer bataille sous