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intérieures les plus difficiles. M. Casimir Perier et ses collègues avaient remis leur démission entre les mains du roi par suite du très petit nombre de voix qui avaient exclu M. Laffitte du fauteuil de la présidence de la chambre des députés.

C’était pour les institutions de la monarchie constitutionnelle une de ces épreuves décisives dans lesquelles, suivant le langage de ses détracteurs officiels, « toujours préoccupée de son existence précaire et contrôlée, placée devant ces difficultés parlementaires qui déplacent le pouvoir tous les jours et l’ébranlent incessamment, elle ne pouvait rien produire. »

Comment se tira-t-elle de cette épreuve ?

Louis -Philippe résolut immédiatement de reconnaître le roi des Belges en plaçant l’indépendance du royaume nouveau sous la protection de la France et de son épée, protection d’autant plus efficace que le roi avait montré plus de désintéressement et d’abnégation personnelle en refusant la couronne offerte par le congrès belge à son fils le duc de Nemours.

Sa première démarche fut de s’assurer du concours du grand ministre dont l’énergie lui devenait plus que jamais précieuse. Casimir Perier ne put résister à la proposition d’une glorieuse complicité, et retira aussitôt sa démission, d’accord avec tous ses collègues. Dès le matin du 3 août, le gouvernement français faisait signifier par une double dépêche télégraphique — au cabinet de La Haye : « que toute attaque contre la Belgique, » — au général Chassé, commandant de la citadelle d’Anvers, « que le premier coup de fusil tiré sur la ville équivaudrait à une déclaration de guerre contre la France. »

Le 4, à neuf heures du matin, nous nous trouvions de nouveau réunis autour de la table du conseil des ministres. Les dernières nouvelles ne laissaient aucun doute sur la reprise générale des hostilités.

Je ne me rappelle pas aujourd’hui sans émotion, au moment où je regarde de nouveau en face les calomnies et les injustices qui, après avoir assailli le roi Louis-Philippe pendant sa vie, se lèvent, bien plus rares sans doute, mais non moins passionnées, pour appeler sur sa tombe les mépris de l’histoire ; je ne me rappelle pas sans émotion les paroles par lesquelles le roi ouvrit le conseil qu’il présidait, comme dans toutes les circonstances importantes.

C’était cette parole vive et souvent entraînante des jours heureux ou difficiles. Un rayon de jeunesse animait les traits du souverain le plus libéral de son époque, qui, par un contraste étrange, rappelaient ceux de son aïeul Louis XIV d’absolutiste mémoire.

« J’ai reçu ce matin à cinq heures, nous dit-il, une lettre du roi Léopold qui appelle la France au secours de la Belgique. Ne perdons pas un moment, si nous ne voulons voir l’indépendance de la Belgique frappée au cœur par la prise de Bruxelles, et le cercle de fer des places fortes construites contre la France se refermer sur elle. Courons donc placer son drapeau entre