Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/1018

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le traitement des instituteurs primaires et à assurer une retraite convenable à leur vieillesse ou à leurs forces épuisées était soumis à la chambre des députés. Enfin l’administration mit à exécution la prescription de la loi de 1833, qui exigeait que chaque département entretînt une école normale primaire destinée au recrutement de ses instituteurs, soit par lui-même, soit en se réunissant à un ou plusieurs autres tiépartemens.

La première école normale primaire avait été fondée en 1811, la seconde fut ouverte en 1821 ; il en existait treize en 1830 : dix ans plus tard, en 1840, il y en avait soixante-seize, desservant tous les départemens et recevant 3,147 élèves. La tâche du gouvernement se trouvait désormais accomplie.

Quant aux écoles normales d’institutrices, le principe n’en avait même pas été posé. Bientôt l’attention du gouvernement se fixa sur cet important objet. Des cours normaux préparatoires furent successivement créés sur les points les plus importans de la France, soit dans des maisons dirigées par des religieuses, soit dans des maisons dirigées par des dames laïques. Plus tard, par suite des votes des conseils-généraux, des ordonnances royales fondèrent plusieurs écoles normales d’institutrices.

Au 1er janvier 1848, on comptait dix écoles normales et vingt-six cours normaux consacrés à l’instruction des institutrices primaires. Nous terminerons en constatant que sur les 3,784,797 élèves reçus dans les établissements d’instruction primaire, il y en avait 1,057,381 qui y étaient admis gratuitement.

C’est ainsi que le gouvernement marchait incessamment vers la réalisation de son vœu le plus cher, celui de voir l’instruction primaire mise à la portée de tous, même des plus indigens, et dépassait sous ce rapport, nous osons le dire, les espérances des plus ardens propagateurs des lumières et du progrès.

Maintenant, quand on examine l’esprit et la portée de toutes les mesures dont nous venons de parler, quand on ajoute qu’au moment de sa chute le gouvernement proposait aux chambres un ensemble de mesures non moins populaires sur la réforme des monts-de-piété, la fondation des caisses de retraite pour les ouvriers, et la mise en valeur des biens communaux, on demeure confondu, non de la persistance de quelques critiques intéressées, mais des égaremens du peuple, objet de tant de sollicitude, qui, traitant à l’égal de crimes d’état les hésitations et les fautes d’un optimisme trop aveugle, renversa en un jour de délire, par une révolution faite au nom de la liberté, le gouvernement le plus libéral qui ait existé en France.

Mais pourquoi cet étonnement ? Dans notre pays épris des effets de scène, il s’agit bien moins d’être que de paraître.

La monarchie constitutionnelle et parlementaire de 1830 n’a pas assez parlé du peuple, n’a pas su parler au peuple : telle a été sa faute.

Elle s’est beaucoup et utilement occupée du peuple ; ce sera son éternel honneur.

Cte C. DE MONTALIVET.