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serait pas ministre. L’effet politique produit par cet interrègne ne pouvait tourner qu’au profit du cabinet libéral. Les chefs du parti clérical, en refusant de prendre le pouvoir, montraient une inconséquence qui frappait tous les yeux. Ils avaient donc agi comme une opposition factieuse, puisqu’ils refusaient les portefeuilles, après les avoir pour ainsi dire arrachés aux libéraux ; ils prouvaient en outre qu’ils se défiaient de leurs forces, puisqu’ils n’osaient pas dissoudre la chambre et affronter des élections générales. Après avoir usé ainsi le prestige du parti catholique en contraignant ce parti à un aveu prolongé d’impuissance, MM. Rogier et Frère-Orban, cédant à un intérêt d’ordre et de patriotisme, ont repris leurs portefeuilles. M. Frère-Orban a caractérisé la crise dernière dans un discours net, énergique, éloquent, qui détermine avec fermeté la situation nouvelle des partis en Belgique.

Nous ne dirons qu’un mot de la bouffonnerie dangereuse du dernier coup d’état roumain. Le premier acte du prince Couza, ce représentant d’une nationalité qui aspire à l’indépendance, a été d’aller de sa personne faire acte de vassal auprès de la Porte et de solliciter du sultan l’investiture de l’hospodorat héréditaire. Il paraît que, plus sage que ce dictateur patriote de la Roumanie, la Porte ne s’est point laissé prendre à cet acte d’hommage ; elle a compris que la constitution que Couza vient de détruire, émanant du concert de six puissances, et ayant la validité de la convention internationale à laquelle elle est annexée, la Porte ne saurait s’ériger en juge du coup d’état accompli par son vassal empressé. La question de la constitution roumaine est une question européenne. Ce n’est pas à Constantinople, c’est à Paris ou à Londres qu’elle doit être traitée, et là elle sera discutée avec d’autres lumières que celles que les télégrammes suspects de Bucharest répandent dans la presse européenne.

e. forcade.


REVUE MUSICALE.

Quand le Théâtre-Italien a fermé ses portes, on peut dire avec assurance que la saison des nobles plaisirs est finie. Les dernières représentations ont été assez brillantes et ont attiré à la salle Ventadour un public empressé d’entendre surtout Fraschini, qui a été admirable dans Rigoletto, dans il Trovatore, dans un Ballo in Maschera, dans la Lucia et dans tous les rôles qu’il a abordés pendant six mois. À la représentation qu’on a donnée à son bénéfice, Fraschini fut si noblement inspiré au quatrième acte de Rigoletto qu’on lui a fait redire la délicieuse cantilène que tout le monde connaît ;

La donna è mobile
Qual piuma al vento.

Le public enthousiaste qui remplissait la salle jeta un bouquet au grand