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hâte; mais impossible de parler au roi, qui venait de se mettre au lit, n’imaginant pas sans doute que le comte pût résister à ses ordres, ou peut-être voulant laisser au hardi jeune homme le temps de lui désobéir. On s’adresse alors au prince royal, qui, dans un billet à Maurice, le supplie de ne pas gâter ses affaires par une précipitation imprudente et de respecter la volonté du roi. C’était trop tard. Maurice venait de partir à franc étrier, et galopait vers la Courlande. Un agent du comte de Flemming, le major de Glasenapp, qui se trouvait là au moment de ce brusque départ, lui en rapporte quelques circonstances curieuses : « Il m’a demandé des livres pour s’amuser en chemin; je n’avais sous la main que l’Histoire du Duc de Monmouth ; il l’a prise et y trouvera quelque avis au lecteur. » C’est le même personnage qui traite de flibustiers les compagnons de Maurice; on voit que Flemming et ses amis n’avaient pas cessé de se montrer hostiles au fils d’Aurore de Kœnigsmark. « Il est parti au galop, dit le major, avec sa bande de flibustiers. » Ces flibustiers étaient une escorte de gentilshommes lithuaniens que le comte Pociey, grand-maréchal de Lithuanie et l’un des principaux personnages de Courlande, avait mis à ses ordres en prévision des événemens prochains.

A la première station où ils laissent souffler les chevaux, Maurice écrit au prince royal et le charge de l’excuser auprès du roi : « il était engagé, il ne pouvait agir autrement; ne vaut-il pas mieux d’ailleurs exposer noblement sa vie que de se traîner dans la honte de l’oisiveté? » Le billet est daté du 26 mai, jour même de son départ; le 28, le prince royal lui répond par d’affectueux conseils : « Vous retourneriez volontiers, si votre engagement ne vous avait mené si avant... On m’a dit que votre intention était de vous mettre à la tête d’une partie de la noblesse pour engager le reste, par cette démarche, à prendre les armes; c’est à quoi je n’ajoute pas foi, et je ne balance pas un moment à vous assurer d’avance que le roi ne vous saurait approuver dans ce cas. Moi, je suis toujours du sentiment conforme au vôtre, qu’une belle mort est préférable à une honteuse vie. Je vous donne à penser si vous sauriez rencontrer une belle mort par une pareille entreprise. » Sages paroles, mais bien inutiles! Ces grandes aventures, tant appelées par Maurice, lui ouvraient enfin la carrière. L’ivresse de l’action lui montait au cerveau. Vivre ou mourir, qu’importe, pourvu qu’il agisse? Il n’est pas question de succès ou de revers; l’honneur parle, il suffit. L’Europe, le monde, il le croit du moins, a les yeux fixés sur lui. Voici sa réponse au prince royal :


« Cauen, le 30 de mai 1726.

« Le sacrifice est prêt en Courlande, et l’on n’attend que la victime. Je ne manquerai de l’être, si le roi me condamne, mais je ne puis trahir des gens