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Toutes les transactions des années 1851-52 une fois mises à néants quelles bases d’un arrangement définitif les plénipotentiaires allemands ont-ils proposées? Enivrés de la victoire, ils ont demandé la séparation des deux duchés ou bien l’union personnelle, deux prétentions équivalentes. Enfin la contre-proposition d’un partage du Slesvig leur a été faite pendant la séance du 28, sur les bases suivantes : on réunirait à l’Allemagne toute la partie du territoire au nord de l’Eyder, contenant une population de 119,000 âmes qui ne parle en effet d’autre langue que l’allemand. On donnerait ainsi pour limite commune aux deux nations la ligne de la Sli, continuée par celle du Danevirke. Un tel arrangement, dit-on, décernerait à l’Allemagne un triomphe signalé, puisque, outre le Holstein, dont elle aurait recouvré l’entière disposition, elle aurait enlevé enfin un morceau du Slesvig; le Danemark, de son côté, y trouverait un grand profit : d’abord les cantons mixtes, ceux où les deux langues, allemande et scandinave, sont mêlées, seraient entièrement à lui. Il les réunirait ainsi que la partie septentrionale du duché, toute danoise, au royaume proprement dit; ce serait une incorporation véritable, à la fois politique et administrative. Peut-être même l’Europe consentirait-elle au besoin à garantir la paisible possession de ce royaume ainsi constitué; ce serait ensuite au roi de Danemark de se faire obéir chez lui, et, si l’ancien parti slesvig-holsteinois. s’agitait encore, de l’obliger au silence : de par les traités, l’Allemagne n’aurait plus aucun prétexte d’intervention.

Voilà le brillant côté du projet; en voici le côté sombre. En mutilant le Danemark sous l’empire d’une nécessité cruelle, mais qu’on subirait afin de sortir d’embarras sans le danger d’une guerre, on veut apparemment donner au futur état une frontière sérieuse, sur laquelle il puisse au moins arrêter assez longtemps l’ennemi pour permettre à l’Europe, en cas de subite agression, d’intervenir; cette frontière devrait même être assez forte pour suffire plus tard à la sûreté d’un royaume-uni du Nord : c’est là évidemment l’intérêt européen. Si donc il faut absolument, en présence d’une guerre qu’on veut empêcher de renaître, chercher un expédient au-delà des limites que nous avons indiquées, la difficulté consiste à fixer quelle partie du Slesvig pourrait être détachée sans compromettre entièrement la frontière du Danemark. Le mode de partage qu’on a proposé pourra répondre à cette nécessité absolue, mais seulement aux conditions suivantes, qu’impose la nature elle-même.

Il suffit de jeter les yeux sur une carte pour comprendre que le golfe de la Sli ne peut être défendu en même temps que la ligne du Danevirke par les seules forces d’une armée danoise, pour deux raisons : d’abord parce que l’étendue de ce golfe en longueur est très considérable, ensuite parce que sa côte méridionale, plus élevée que la côte opposée, domine celle-ci. La rive méridionale fait partie d’un vaste triangle; la base en est adossée, vers l’est, à la Baltique, et le côté méridional, de l’est à l’ouest, au golfe profond d’Eckernförde. Le sommet tronqué de ce triangle, dirigé vers