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le sud-ouest, forme avec l’extrémité même du golfe de la Sli une ligne étroite fortifiée qui est la véritable clé des nombreux passages du fleuve. Le Danemark devrait donc conserver cette presqu’île[1] et le port d’Eckernförde, qui contribue à défendre le sommet du triangle; sans cela, il est clair qu’il ne saurait opposer de ce côté aucune sorte de résistance. Quant au Danevirke, cette ligne de fortifications, trop étendue aussi, ne peut être de quelque utilité qu’avec les inondations provenant des eaux de la Treene; il faut donc de toute nécessité, à cause des pentes, concéder la vallée de la Basse-Treene, qui incline vers Frederikstadt, ville située sur le fleuve Eyder. L’Eyder lui-même ne peut être franchi que sur trois ou quatre points par l’ennemi assaillant, de sorte que les défenseurs de la Sli et du Danevirke ont le temps de se préparer, tandis que l’ennemi, s’il possède le pays au nord de l’Eyder, peut exécuter contre eux avec toute facilité un subit mouvement d’attaque. On arrive toujours à ce résultat que la nature même a donné au Danemark l’Eyder pour frontière. Ce fleuve a été, dès le temps de Charlemagne, une de ces limites de races que la politique a dû partout consacrer. Les anciens scandinaves laissaient volontiers entre eux et leurs voisins étrangers de vastes espaces vides en manière de défense naturelle ; le pays entre la ligne du Danevirke et l’Eyder était ainsi une marche presque entièrement vague, et ce même pays contient maintenant encore tout le système des eaux nécessaires à la protection de la frontière dano-allemande.

Le partage du Slesvig sur cette base n’en donnerait pas moins à l’Allemagne un territoire important, toute la partie sud-est de ce duché, toute la côte nord de la rade de Kiel, avec la citadelle de Frederiksort, et une population de près de 50,000 âmes parlant exclusivement la langue allemande, qui s’ajouterait avec un grand avantage à la population déjà nombreuse et riche du Holstein. Reculer vers le nord la limite des concessions envers l’Allemagne est inadmissible; lui donner les cantons mixtes serait tomber dans une incroyable confusion : ce serait, pour protéger ce qu’on veut bien appeler la nationalité allemande en Slesvig, dépouiller la nationalité scandinave, qui dans ces mêmes cantons a la majorité. Or la résistance que le Danemark a opposée à l’invasion pendant la dernière campagne, celle qu’il s’apprête encore à faire, si la guerre continue, ses succès sur mer, son vigoureux blocus, dont le commerce allemand a beaucoup plus souffert qu’il ne le dit, ses victoires pendant la guerre de 1848 à 1851, son énergie constitutionnelle depuis quinze ans, tout cela décèle une nationalité avec laquelle il faudrait compter, une nationalité jeune, qui promettait à l’Europe, de concert avec la Suède et la Norvège, un heureux et utile équilibre du Nord, qui voit cependant son péril et se résout à vendre chèrement sa vie. Si les cantons mixtes étaient donnés à l’Allemagne, et que par impossible la paix fût signée sur cette base, il est clair

  1. La presqu’île de Svansen.