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des âmes pieuses ces téméraires « qui sapent avec leur critique sacrilège jusqu’aux fondemens de l’autorité même des livres saints. » Espérons que le progrès des connaissances religieuses élèvera les esprits dans une sphère supérieure où l’on verra mieux que jamais les titres réels de la Bible à la vénération du genre humain et le devoir imposé à tout homme, croyant ou non croyant, qui cherche consciencieusement la vérité.

Il est en somme aussi facile de faire le procès à la Bible que d’entreprendre sa défense, et tant qu’on ne saura pas s’élever à une synthèse qui puisse concilier les objections et les apologies dans une harmonie supérieure, la question ne pourra faire un pas en avant. Pour notre esprit moderne, il est certain que le recueil sacré, l’Ancien Testament surtout, compte par centaines des pages qui ne contribuent absolument en rien à notre édification religieuse. Lors même qu’on ne se sentirait pas encore en état de nier d’avance tout événement surnaturel, on ne s’arrête pas moins tout déconcerté devant certains miracles à propos desquels la raillerie voltairienne s’est permis tant de libertinages. Le Nouveau Testament, dans son ensemble, est supérieur à l’Ancien, dont il est la fleur épanouie ; mais là encore que d’invraisemblances historiques et de miracles étranges ! A côté de paroles que l’humanité n’oubliera pas, que de raisonnemens obscurs, pénibles ou décidément faux !

Aussi peut-on observer un phénomène religieux très instructif en lui-même, c’est que la plupart de ceux qui font de la Bible l’aliment principal de leur piété opèrent spontanément et sans autre pierre de touche que leur propre conscience une critique systématique du volume sacré, ne lisant guère que les livres qui parlent à leur âme un langage clair et fortifiant, s’occupant fort peu des autres. C’est ce que l’on peut observer aussi bien au sein des populations protestantes, chez qui la lecture de la Bible est universelle, que chez les catholiques pieux que n’a pas détournés de cette lecture la prudence un peu timorée du clergé romain en matière de livres saints. Notons aussi que, dans ce rapide relevé des principales objections qu’un esprit moderne peut opposer à l’autorité divine de la Bible en général, nous restons à la surface du livre. L’histoire du canon que nous venons de résumer nous a montré combien il s’en faut que la Bible ait été de tout temps ce qu’elle est de nos jours. Si nous devions entamer la critique interne et comparée de chaque livre en particulier, il nous serait bien facile d’accumuler les objections et surtout de faire ressortir les diversités essentielles, touchant au fond même du dogme chrétien, qui empêchent absolument d’attribuer une seule et même doctrine aux différens auteurs qui figurent dans le canon. Nous forcera-t-on de croire, pour ne citer