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plutôt agressive que défensive : c’est le contraire aujourd’hui. Le spiritualisme n’est pas en voie de faire des conquêtes, mais il défend ses positions avec vigueur, et par une polémique vigilante, éclairée et perçante, il jette le trouble dans les ouvrages assez fragiles jusqu’ici de ses adversaires. Il porte à son tour la guerre en pays ennemi, et fait aux théories adverses les plus sérieuses blessures. Le moment approche où ces théories auront perdu l’un de leurs principaux charmes, la nouveauté. Quelques symptômes de lassitude se font déjà sentir. L’heure est opportune pour exposer nos raisons et renvoyer nos contradictions à nos contradicteurs.

Parmi les disciples de la jeune école spiritualiste,. celui qui s’est le plus vivement peut-être engagé dans cette polémique où M. Emile Saisset et M. Jules Simon avaient montré la voie est M. Caro, déjà connu par un curieux écrit sur Saint-Martin, et par des Etudes morales sur le temps présent où se révélait un talent de polémiste des plus distingués. La polémique semble jusqu’ici la vraie vocation de M. Caro : c’est le talent qu’il déploie surtout dans son nouveau livre, l’idée de Dieu et ses nouveaux critiques, ouvrage qui obtient dans le monde philosophique un succès brillant et mérité[1]. On doit le louer d’avoir choisi un tel terrain pour se mesurer avec ses adversaires, car c’est l’idée de Dieu qui est le point culminant de toute philosophie ; c’est celle-là surtout qui occupe la première place dans les débats philosophiques de notre temps. Les uns la nient, les autres l’altèrent, ou la décomposent et n’en gardent que ce qui leur plaît ; d’autres encore l’éludent et lui interdisent l’entrée de la science. Enfin l’idée de Dieu est partout, même quand elle est absente, car la taire est aussi une manière respectueuse, mais redoutable de la nier. Dans la lutte engagée contre ces divers contradicteurs, les armes de M. Caro sont courtoises, fines, souples, élégantes, et, quoique parfois un peu molles, elles pénètrent cependant à une certaine profondeur. Sa dialectique ne laisse échapper aucune faute de ses adversaires ; elle découvre les feintes et profite du moindre faux pas. On suit avec curiosité et sympathie un combat mené avec tant d’adresse et de bonne grâce. À la vérité l’ouvrage est en général plus critique que démonstratif. Cependant une solide philosophie court à travers ces pages si vivantes, et l’auteur se déploie librement dans les questions les plus délicates et les plus élevées. Enfin une conclusion ferme et lumineuse résume avec largeur, en les dégageant de tout malentendu, les idées fondamentales du spiritualisme philosophique.

Dans ce livre que je goûte fort et que je trouve en certaines parties

  1. 1 vol. in-8o, librairie Hachette.