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nirs tirés de la race des Carlovingiens, et dans sa précédente dépêche, la veille même, il venait justement, comme par une sorte de divination, d’entretenir le secrétaire d’état de sa sainteté « de ce premier roi d’une race nouvelle que substitua la nation française à son roi légitime Chilpéric, et que le pape était venu sacrer lui-même[1]. »

Dans la façon dont l’ouverture lui était faite, le cardinal discerna d’abord ce que de toute évidence le premier consul avait surtout voulu y mettre, à savoir le clair avertissement qu’il ne se tiendrait point pour satisfait de toute réponse qui ne serait pas une acceptation pure et simple. Déjà le représentant du saint-siège, depuis qu’il était question de monarchie héréditaire, n’était plus préoccupé que d’une chose : c’était de recevoir le plus tôt possible par courrier extraordinaire ses nouvelles lettres de créance, afin d’être parmi ses collègues du corps diplomatique le premier à féliciter le nouvel empereur. Cela lui paraît d’une importance capitale. Qu’on juge par là de l’émotion avec laquelle il transmet au saint-père la demande de Napoléon. « Le monarque qu’il s’agit de couronner, écrit-il, non sans quelque trouble, à sa cour en commentant avec une parfaite exactitude mieux que les paroles, c’est-à-dire l’attitude même et le ton de son tout-puissant interlocuteur, le monarque qu’il s’agit de couronner trouverait très mauvais et regarderait comme une injure que sa sainteté élevât des difficultés, cherchât à temporiser ou se refusât à son désir. Le ressentiment qu’il éprouverait serait d’autant plus fort qu’en sa qualité de chef de l’église le saint-père assurera mieux la succession héréditaire dans la famille de l’homme qui vient de rétablir et de consolider l’exercice du culte et de la religion catholique... Si du spirituel je passe au temporel, il me paraît évident que c’est le moment favorable où il sera possible au nouvel empereur d’étendre les limites trop resserrées des états du pape... Un refus de sa sainteté lui serait infiniment pénible. Il en éprouverait le plus vif déplaisir. On n’accepterait aucunes excuses pour valables, fussent-elles même confirmées par le cardinal Fesch. On ne les regarderait que comme des prétextes... Je me bornerai donc à supplier votre éminence de ne présenter dans la réponse aucune idée, même la plus éloignée, d’une difficulté quelconque, soit d’âge, soit de santé ou toute autre chose semblable[2]. »

Pour agir personnellement sur le cardinal secrétaire d’état, dont il appréhendait quelque peu la résistance, le légat, soit de lui-même, soit par connivence avec le gouvernement français, lui

  1. Dépêche du cardinal Caprara au cardinal Consalvi, 9 mai 1804.
  2. Le cardinal Caprara au cardinal Consalvi, 10 mai 1804.