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N’zigé, dont il désirait constater l’existence. Il l’atteignit sous le 2° 18′ de latitude nord et le 29° 45′ de longitude est, en un point dont l’altitude est de 3,864 pieds au-dessus du niveau de la mer. Il remonta le long du fleuve pour arriver aux chutes de Karouma, où il espérait trouver des bateaux pour le passer. La nature déploie dans cette partie du Shoa une incomparable richesse. D’imposantes forêts étendent leurs splendides rideaux sur les deux rives, qu’elles garantissent des rayons brûlans du soleil. Du pied de ces forêts, à une hauteur de 50 mètres, se détachent des falaises qui descendent en gradins et resserrent le fleuve dans les étroites limites de 120 à 130 mètres. Chacun de ces gradins est orné de massifs de bananiers et de plusieurs variétés de palmiers, parmi lesquels on distingue le gracieux dattier sauvage. Les îles qu’on découvrait de ces hauteurs étaient autant de bosquets où l’on apercevait les sommets des huttes des indigènes. Trois jours de marche conduisirent la caravane aux chutes de Karouma, à ce même point où Speke avait traversé le fleuve dix-huit mois auparavant. À l’attitude menaçante de la foule qui garnissait la rive opposée, Baker comprit qu’il serait imprudent de passer sans en avoir obtenu l’autorisation. Il envoya donc dans un bateau des parlementaires qui s’approchèrent assez près pour être entendus de la rive opposée. Ils étaient chargés d’annoncer aux Wanyoros que le frère de Speke était arrivé, et qu’il désirait se rendre auprès de leur roi Kamrasi pour le remercier des soins qu’il lui avait donnés et lui remettre de nombreux et riches présens. — Mais pourquoi vient-il avec tant de monde ? leur répondit-on. — Ce sont les personnes qui portent ces présens. — Eh bien ! qu’il se montre, nous verrons s’il ressemble au molligè (au barbu) ; tel était le nom qu’ils avaient donné à Speke. Baker convertit un bosquet en cabinet de toilette, changea de vêtement, mit un paletot à peu près semblable à celui que portait Speke, et, grimpant sur un fragment de rocher qui se détachait en avant de la falaise et formait comme un pinacle, il salua la foule en agitant son chapeau ; il lui fit de nouveau savoir qu’il était avec une dame anglaise et désirait être immédiatement présenté au roi, pour lui annoncer l’heureux retour dans leur patrie de Speke et de Grant et lui offrir des présens de grande valeur, comme marques de reconnaissance pour la bienveillance qu’il leur avait témoignée. Sur ces explications, un canot traversa le fleuve et débarqua quelques Wanyoros, qui, découvrant en effet une ressemblance entre lui et Speke dans la tenue, la complexion et les traits du visage, lui souhaitèrent la bienvenue par des danses et des pantomimes guerrières. Cependant le bateau dut plus d’une fois passer et repasser d’une rive à l’autre avant que Baker pût franchir le fleuve. Le chef de ce district se trouvait dans une position difficile : il n’osait ni