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point à cet égard les espérances. Les habitudes du concert s’étaient tristement usées. La politique française, c’est le témoignage de la conscience universelle, avait bien des moyens l’année dernière d’empêcher le conflit au centre de l’Europe. Elle s’abstint systématiquement d’en faire usage. Elle fit consister son impartialité et son respect de l’indépendance des états à laisser, dans une attitude amicale pour chacun d’eux, les trois belligérans se provoquer et se combattre. N’étions-nous point exposés, si nous étions nous-mêmes en jeu, à ne rencontrer parmi les gouvernemens spectateurs bienveillans de la lutte que la neutralité attentive dont nous avions nous-mêmes donné un exemple si récent, et, il est vrai, si peu encourageant ? Cette crainte affectait un grand nombre d’esprits ; elle est maintenant évanouie. Les puissances neutres ont accompli leur devoir avec un zèle plein de sincérité. Elles devaient rencontrer en France et en Prusse des dispositions favorables. La France a, Dieu merci, simplifié et facilité l’œuvre conciliatrice en renonçant aux vues intéressées, en abandonnant toute prétention à l’acquisition du Luxembourg, qu’on n’eût pu contester solidement en droit strict, mais qui l’exposait à être soupçonnée de tendances envahissantes. Dès qu’elle a eu fait connaître ses résolutions désintéressées, la France a trouvé des concours actifs et puissans. La cour de Vienne a pris dans cette circonstance une initiative prompte et habile. De concert avec la Russie, elle a proposé une conférence qui aurait pour mission de régler la situation du Luxembourg sur le double principe de la neutralisation du grand-duché et de l’évacuation de la forteresse. M. de Beust, accompagné du prince Gortchakof, est allé plus loin encore dans ses propositions. Il offrait d’adjoindre le grand-duché à la Belgique et de ménager une compensation territoriale pour la France en lui faisant céder le duché de Bouillon et une portion de territoire comprenant Marienbourg et Philippeville. Le gouvernement français décline, croyons-nous, et avec grande raison, ces offres de remaniement de frontières entre la Belgique et notre pays : il dédaigne les minuties, et l’évacuation de la forteresse de Luxembourg lui suffit. L’action prépondérante qui a donné aux honnêtes efforts de M. de Beust de rapides résultats a été celle de l’Angleterre. De sérieuses et franches ouvertures ont eu lieu entre la cour des Tuileries et le cabinet de Saint-James. Lord Stanley a montré à cette occasion la netteté d’idées, la correction de vues, la droiture et la fermeté de conduite que nous attendions de lui quand nous souhaitions pour ce jeune politique, avant son entrée au pouvoir, le portefeuille des affaires étrangères. Certes les sympathies du gouvernement et du peuple anglais pour l’œuvre accomplie par la Prusse ne sauraient être mises en doute. Cependant un esprit aussi sérieux que lord Stanley ne peut point admettre cette politique trop naïve, trop sommaire, trop imprévoyante, de l’école de Manchester, qui conseille à l’Angleterre l’abstention et l’indifférence en matière d’affaires continentales. Il ne faut point avoir réfléchi un instant à l’étroite association qui unit les