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menée à bonne fin. Son commentaire plastique des Évangiles sera certainement un des travaux les plus curieux et. les plus consciencieux de ce temps-ci. Il aura restitué à ce livre admirable son intimité familiale et l’aura débarrassé de ce côté épique et théâtral, absolument contraire à la vérité, dont la plupart des peintres l’avaient affublé en imitation des artistes païens de la renaissance, Les deux dessins qu’il expose aujourd’hui, les Vierges folles et Hérodiade, sont, comme ceux que déjà nous avons signalés plusieurs fois, d’une vérité de type extraordinaire, et l’ouvrage d’un homme à qui l’Orient a dévoilé le secret de ses mœurs et de ses coutumes. Tous deux sont exécutés avec cette légèreté, cette précision, cette adresse sans pareille qu’on ne peut se lasser d’admirer. La grâce des attitudes, l’élégante réalité des architectures, la lumière mystérieuse qui éclaire les scènes habilement composées, donnent à ces dessins une valeur exceptionnelle et l’importance d’un tableau d’histoire.


III

Parmi les peintres de genre et de paysage, nous retrouvons presque tous les artistes dont plusieurs fois déjà nous avons entretenu le public. Sauf un Hollandais et un Anglais qui arrivent cette année avec des tableaux dont il conviendra de parler, je ne vois pas un nouveau-venu qui ait fait une œuvre importante. Le genre, mêlé au paysage ou indépendant de lui, semble être maintenant le fonds même de l’école française ; elle a sous ce rapport beaucoup emprunté aux maîtres belges, elle a fortifié son coloris, serré sa manière, étudié la nature de plus près et abandonné pour toujours, l’espèce, le côté romance et rococo où elle excellait jadis. C’est là un progrès considérable ; on voit d’une façon plus simple, et par conséquent on fait plus juste, on se rapproche de la vérité, et l’on n’est plus gêné par les liens tyranniques de ce qu’on appelait autrefois la convention. Les peintres voyageurs ont à leur insu beaucoup fait dans cet ordre d’idées ; par les documens positifs qu’ils rapportaient et qui étaient bien plus beaux, bien plus plastiques que les vieilles traditions don on se nourrissait, ils ont à peu près tué le poncif et lui ont substitué la nature. Ils ont dégagé l’école de ses langes, lui ont rendu la liberté de ses mouvemens, et lui ont appris que la vérité, même en art, est supérieure à la fiction. Il a suffi à Decamps de peindre et de montrer un Turc véritable pour faire évanouir à jamais le bonhomme barbu et toujours farouche, coiffé d’un turban surmonté d’un croisant, vêtu d’une veste décorée d’un soleil et invariablement armé d’un cimeterre orné de pierreries. Les artistes qui ont représenté nos paysans de