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France tels qu’ils sont, ou à peu près, ont donné le coup de mort aux pastourelles proprettes, aux bergers pommadés qui s’offraient mutuellement des colombes, et semblaient roucouler les poésies de Gessner, Ce qui donne aujourd’hui un intérêt tout particulier à la peinture de genre et de paysage, c’est qu’elle s’appuie sur une bases solide, qui est l’observation de la nature. Si l’on y mêle le style, on est bien près de toucher au but que l’art se propose. Le style et la vérité se fortifient l’un l’autre, et M. Jules Breton nous le prouve encore aujourd’hui.

On peut lui reprocher de tourner dans un cercle trop restreint, de reproduire souvent les mêmes sujets et de ne point assez varier ses personnages. Serait-ce bien mérité ? J’en doute. Il vaut mieux développer plusieurs fois le même thème en l’améliorant, en lui donnant plus de force et plus d’intensité, que de risquer de s’égarer dans des domaines inconnus et peut-être dangereux. Depuis ses débuts, qui datent, si je ne me trompe, de 1849, M. Breton n’a cessé de faire des progrès. Chaque exposition a été pour lui une affirmation nouvelle. Je ne sais s’il a fait école, mais il a beaucoup d’imitateurs, et il reste encore incontestablement le premier dans le genre qu’il professe. A un certain moment, vers 1859, il a côtoyé le réalisme de bien près, et on a pu craindre qu’il ne se laissât entraîner par le mauvais exemple et tomber dans des exagérations inutiles et superficielles. Grâce à sa volonté de bien faire, à son esprit évidemment juste, il a évité l’écueil, et chaque jour maintenant il s’élève dans la compréhension de la nature. Il ne sait pas encore être complètement abstrait, et parfois il sacrifie au plaisir de rendre certains détails qui gâtent sa composition et lui enlèvent ce cachet de virilité supérieure qu’il cherche à lui donner. Il reproduit aujourd’hui dans le Retour des champs un effet quelque peu puéril qu’il avait déjà employé en 1857 dans le Rappel des Glaneuses. Je parle de cet essaim de mouches qui se détache sur le soleil couchant, et dont il a pour ainsi dire nimbé les têtes de ses femmes. Cela trouble l’œil, tache le ciel, n’ajoute rien à la composition, n’est d’aucune valeur plastique, ne sert pas au coloris, ne complète aucune ligne, n’est forcément qu’une indication à peine ébauchée, et n’aurait jamais dû tenter un artiste comme M. Breton, qui devrait toujours se tenir en garde contre les fantaisies inutiles. On me dira : Cela est vrai, je n’en doute pas ; mais toute vérité n’est pas bonne à dire, et toute vérité n’est pas bonne à peindre. Stendhal, qu’on peut écouter quelquefois, a écrit avec raison : « On arrive à la petitesse dans les arts par l’abondance des détails. » La nature fournit des documens en masse, avec une abondance maternelle que rien ne peut tarir ; elle mêle tout