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sent sans se contrarier en rien : il n’est pas besoin, pour le faire comprendre, de citer le beau théorème de Fourier sur ce que les géomètres nomment la superposition des petits mouvemens : on n’a qu’à penser à un flotteur, à une bouée suspendue sur l’eau ; docilement elle monte, s’abaisse, s’incline, se relève au gré de toutes les vagues, de tous les vents ; de même la petite molécule obéit en même temps à plusieurs ondulations, les unes lentes, les autres rapides ; le mouvement total qui en résulte peut représenter une somme indéfinie de mouvemens distincts.

Le phénomène que je viens de décrire n’est qu’un cas particulier d’un phénomène général. Tout corps devient, pendant qu’il résonne, le centre de plusieurs systèmes d’ondes sonores indépendantes à chacun desquels correspond une note. Ce serait une grande erreur de croire cependant que les notes supérieures qui s’ajoutent à la note fondamentale forment toujours avec cette dernière un chœur agréable pour l’oreille. La nature n’a aucun souci de notre sensibilité : tous ses bruits en réalité sont des discordances. Les notes parasites qui complètent un son ont été nommées des harmoniques, parce qu’on les a observées d’abord dans le cas des cordes vibrantes, et dans ce cas même ce nom est presque impropre : les premières harmoniques, il est vrai, remplissent les places de l’accord parfait[1] ; mais la septième et la neuvième note supérieure n’appartiennent plus aux consonnances musicales qu’affectionne notre instrument auditif. La plupart des corps sonores font entendre outre le son fondamental des notes parasites absolument discordantes et auxquelles on ne doit pas donner le nom d’harmoniques.

Il n’en est pas moins vrai qu’on doit considérer tout son en général comme accompagné d’un cortège, d’un chœur de notes supérieures plus ou moins affaiblies. L’oreille reçoit une impression totale où domine nécessairement l’effet de la tonique. Elle décompose, il est vrai, la vibration complexe qu’elle perçoit en ses composantes simples, dont chacune correspond à une note particulière ; l’impression du son reste une en dépit de cette analyse, car, aussitôt que

    suivent, encore plus aiguës, deux seulement rentrent dans l’échelle des consonnances. Il n’est guère nécessaire de suivre plus loin cette série, qui, en théorie seulement, n’a point de limites, car, à mesure que les notes qui s’ajoutent au son fondamental s’éloignent de la tonique, elles perdent rapidement d’ordinaire en intensité.

  1. L’accord parfait est formé de la tonique, de la tierce, de la quinte et de l’octave. Deux notes sont dissonantes lorsque, résonnant ensemble, elles se troublent mutuellement de manière à produire des intermittences périodiques de force et de faiblesse, qu’on nomme des battemens. Toute sensation intermittente irrite et fatigue les nerfs ; c’est ce qui explique le déplaisir causé à l’oreille par les battemens. Deux notes sont consonnantes quand les vibrations qui les produisent ne se contrarient point de manière à produire des battemens.