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Il y avait dans l’objet même de l’exposition, dans le local choisi, dans la notoriété acquise, tous les élémens d’un grand succès, d’autant plus légitime qu’aucun mélange ne l’eût altéré. La commission eût pu faire brillamment les choses sans cesser de les faire dignement. L’intrusion d’associés à un titre quelconque a créé d’autres droits et par suite d’autres devoirs ; il s’est agi de leur donner à gagner et de les empêcher de perdre. L’exploitation est née alors, et l’exploitation a peu de scrupules sur les moyens qu’elle emploie ; elle se tient pour justifiée dès qu’elle fait de l’argent. De là les spectacles au moins équivoques qu’offre au public sensé le palais de l’exposition, et une suite de tributs entés les uns sur les autres et raffinés jusqu’au génie.

Le plus onéreux de ces tributs est le loyer de l’espace concédé aux exposans. Il en a été de ces concessions comme des terrains à bâtir distribués dans Paris, où le prix du mètre superficiel varie suivant les quartiers. Tel coin favorisé n’a été enlevé qu’au feu des enchères, et il a fallu y ajouter les charges non moins lourdes d’une appropriation déterminée. On prétend qu’une exposition est pour ceux qui y figurent une source de profits, et qu’il est juste de prélever d’avance sur ces profits une sorte de dîme pour couvrir une partie des frais généraux. Il y a là une illusion. Le fait est que ces grands étalages sont, pour la majeure partie des exposans, une dépense, une forte dépense en pure perte. Ils y souscrivent pour divers motifs, dont les moins puissans ne sont pas l’appel bruyant et souvent les sommations directes qu’on leur adresse. L’esprit d’imitation, une bouffée de vanité, l’espoir d’une médaille, achèvent de les décider. On a une vitrine parce que les concurrens ont la leur et que même sur ce terrain on veut leur tenir tête ; mais c’est au fond un souci qu’on ne cherche pas et dont on s’affranchirait volontiers. Une seule catégorie, quand on consent à l’admettre, trouve dans une exposition des profits directs : c’est celle des détenteurs de seconde main qui débitent ce que d’autres fabriquent, et pour qui une place au palais du Champ de Mars est l’équivalent d’une annonce permanente sur la quatrième page des journaux. Pour cette catégorie d’exposans, l’espace n’est jamais trop cher, et quel plaisir on éprouve à les surfaire ! Ce sont des parasites après tout ; ils ont dû payer comme tels. Serait-ce également à ce titre qu’ils occupent la tête de colonne au seuil même du vestibule d’honneur ? Voilà où l’excès commence, quelque prix qu’ils aient pu y mettre. Il n’est pas bon que, dès le premier aspect, une exposition sérieuse puisse être confondue avec une suite de magasins de nouveautés ; à le faire, elle déroge et déchoit.

Il est vrai que les parasites remplissent une bonne moitié du