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savans « officiels. » Écoutez cette série de réminiscences que lui inspirent les doutes malencontreux émis par un académicien (de Paris cette fois) au sujet de la durée probable du câble transatlantique. « Il y a lieu de croire qu’il en sera de la condamnation portée par M. Babinet[1] comme il en a été des condamnations portées par un autre membre de l’Académie contre la télégraphie en général,… par les physiciens du commencement de ce siècle contre la locomotive, par un ministre français contre les chemins de fer, par la Société royale de Londres contre le paratonnerre et la vaccine, par l’ancienne académie de chirurgie contre la greffe animale, par l’ancienne Académie des Sciences contre la vulcanicité de l’Auvergne, par l’académie actuelle contre les bateaux à vapeur, par les hygiénistes du temps de Parmentier contre la pomme de terre, par les zoologistes d’hier contre la génération alternante, par ceux d’avant-hier contre la génération des marsupiaux, par Swammerdam contre les découvertes de Graaf, mort de chagrin à trente-deux ans, par Lavoisier contre les aérolithes, par Réaumur contre l’animalité des zoophytes, par l’école de Cuvier contre l’antiquité géologique de l’homme, par M. Milne-Edwards contre les travaux micrographiques d’Ehrenberg, par M. Valenciennes contre toute tentative d’acclimatation et de domestication, par le tribunal du saint-office contre le mouvement propre de la terre, par la précieuse académie de Salamanque contre la sphéricité du globe,… etc. »

Si M. Meunier attaque volontiers les puissances établies, les « grands feudataires » de la science, son patronage est acquis aux faibles, aux opprimés, à ceux que cette féodalité tient en servage. Il aime à mettre en lumière l’existence de ces travailleurs qui, après avoir rendu à la science des services importans, meurent à la peine sans avoir obtenu une récompense proportionnée à leurs efforts. Naguère il nous parlait de Laurent et de Ghérardt, dont on retrouve la trace féconde dans le développement des études chimiques, et qui se sont usés tous deux dans des positions plus que

  1. Un accident récemment arrivé au télégraphe transatlantique n’a pas eu pour effet d’interrompre la communication électrique, entre les deux continens. Les lecteurs de la Revue se rappellent sans doute que le Great-Eastern, après avoir posé avec succès un conducteur sous-marin en 1866, eut encore le bonheur de retrouver le câble immergé l’année précédente, et d’établir ainsi une seconde communication entre l’Irlande et. Terre-Neuve. La compagnie anglo-américaine avait donc un double câble à sa disposition. Celui qui a été posé en 1866 est rompu depuis quelques jours ; mais le câble de 1865 est en bon état et continue à fonctionner. Il est d’ailleurs à peu près certain que l’accident survenu à l’un de ces deux conducteurs sera aisément réparé. Les expériences faites dans les bureaux télégraphiques indiquent que la rupture a eu lieu à 5 ou 6 kilomètres de la côte de Terre-Neuve, par des fonds où il sera facile d’atteindre le câble endommagé. Cette estimation est confirmée d’ailleurs par ce que l’on connaît de la cause de l’accident. A l’époque où il s’est produit, une énorme banquise, descendant des mers arctiques, est venue s’échouer près de Terre-Neuve. Peu à peu allégée par la fusion de la glace, elle a repris la mer au bout de quatre jours ; mais son passage a, selon toute probabilité, rompu l’un des câbles.