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médiocres. Naguère encore il nous parlait de Gratiolet : celui-là du moins a touché le seuil de la terre promise ; suppléant de Blainville au Muséum d’histoire naturelle, suppléant de Duvernoy au Collège de France, maintenu pendant de longues années dans un rang inférieur, il venait enfin d’entrer en possession de la faveur publique, quand il est mort, fatigué, épuisé, à cinquante ans. Aujourd’hui M. Meunier appelle notre attention sur une existence beaucoup plus modeste et dont le simple récit laisse une impression presque lamentable. Il s’agit de Jean-Thiébaud Silbermann, mort dans le courant de l’année 1865. Silbermann était ce bon, cet honnête et dévoué conservateur des collections des Arts et Métiers que tous les inventeurs ont connu, que tous les chercheurs ont consulté, et dont les conseils ont toujours été à la disposition de quiconque en a eu besoin. Venu à Paris dans sa jeunesse avec une très solide instruction, les circonstances l’attachèrent à la fortune de M. Pouillet. Il fut pendant la plus grande partie de sa vie le préparateur, l’aide de ce physicien, dans des cours de lycées d’abord, puis à la Faculté des sciences, et enfin au conservatoire des Arts et Métiers. Dans ces humbles fonctions, il rendit des services que sa modestie ne sut jamais faire valoir. Dès l’année 1839, il avait entrevu le principe de la galvanoplastie. Il a inventé pour les cabinets de physique et pour les expériences de laboratoire un grand nombre d’appareils ingénieux ; le plus connu de ces instrumens est l’héliostat, qui permet d’imprimer, aux rayons du soleil, malgré le mouvement de cet astre, une direction constante. Le conservatoire des Arts et Métiers doit beaucoup à ce travailleur infatigable ; il y a formé nombre de galeries, il a reconstitué la plupart des autres. Les recherches qu’il a faites de concert avec M. Favre sur la chaleur des combinaisons chimiques ont une très grande valeur scientifique, et il en est de même de ses observations sur la vitesse de l’électricité. Après une longue vie remplie de travaux, après avoir contribué « sans gloire » à plus d’une grande découverte, après avoir même attaché son nom à des recherches importantes, il est mort laissant à sa veuve et à ses enfans une pension de 146 francs. Qu’on ne vienne plus parler à M. Meunier de ces savans officiels, bien pourvus de places et d’honneurs, dont il est dit dans les rapports académiques qu’ils « sacrifient leur vie à la science. » Si messieurs tels et tels se sacrifient au bien public, qu’a donc fait ce travailleur persévérant, ingénieux, qui, après toute une vie d’utiles et loyaux services,. laisse de pareilles ressources à sa famille !

Nous avons signalé le penchant qui porte M. Meunier à la polémique. Cependant il n’est pas toujours en guerre. Son livre renferme de précieux renseignemens sur les sciences naturelles. Nous pouvons mentionner spécialement des chapitres relatifs à la voix des poissons, ou du moins, aux bruits que produisent certains organes chez quelques poissons, — à la génération des marsupiaux, — à divers exemples de greffe animale, — aux invasions de sauterelles ou de criquets voyageurs, — à certains cas obscurs