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Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/741

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justes représentations de l’assemblée, de manière à maintenir le caractère d’une réparation à l’acte que les paroles du commandant semblaient transformer en une mesure de clémence. Durant trois jours, le texte de cette rédaction fut débattu, et cet incident était à peine vidé qu’on en soulevait un autre. La noblesse s’était aperçue qu’au lieu de déchirer l’original de l’ordre du 12 octobre, le duc d’Aiguillon n’en avait lacéré qu’une copie, chose naturelle, puisque les registres originaux de la tenue précédente étaient demeurés à Rennes. On décida que les travaux de l’assemblée seraient suspendus jusqu’à ce que l’apport de ce document à Nantes pût permettre d’en opérer la radiation sur la minute. En agissant ainsi, on gagnait quelques jours, et c’était, à vrai dire, le seul objet que se proposât l’opposition. Dès le début des opérations se révéla l’intention de faire traîner en longueur les travaux de l’assemblée en suscitant toutes les questions dilatoires que le cours des débats permettrait d’élever. Sous ce rapport, le bastion obtint un succès complet, car il parvint à faire prolonger jusqu’au 1er avril 1765 l’assemblée ouverte au mois d’octobre précédent, ce qui donna à cette tenue une durée à peu près double de toutes les autres.

Cette petite habileté, si contraire au tempérament d’une noblesse emportée, mais loyale, était inspirée par une pensée dont l’initiative ne lui appartenait point. Il s’agissait d’établir un concert intime, quoique secret, entre les états et le parlement, afin d’assurer à cette compagnie, mandée à la cour, la force morale qui résultait pour elle de la présence de l’assemblée. Ces magistrats ne furent admis à l’audience royale que quinze jours seulement avant la clôture de l’assemblée des états. Pendant ce temps, l’opposition, maintenue par une correspondance assidue avec les principaux parlementaires dans une fermentation continuelle, accomplit une manœuvre qui jeta le gouvernement dans la plus vive anxiété. On venait de commencer à lever en Bretagne, en vertu de l’enregistrement ordonné dans un lit de justice pour le général du royaume, les deux sous pour livre qu’avait établis la déclaration royale du 21 novembre. La noblesse proposa de se pourvoir contre cette levée, opérée sans le consentement préalable des états, par une opposition au parlement de Rennes, et, malgré la résistance de l’église, cet avis fut accueilli par le tiers, qui fléchissait encore plus vite devant la magistrature que devant la cour. Admise en principe par deux ordres contre un, l’opposition à la taxe fut poursuivie au nom des états à la diligence de leur procureur-syndic, et, quoique le parlement ne siégeât point en ce moment, la chambre des vacations prit sur elle de statuer sur cette grave matière. Elle décida que les ordonnances en vertu desquelles il était interdit à toutes les cours souveraines d’accueillir aucune opposition concernant les actes