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exemple de ce recours au sort regardé comme la volonté de Dieu, et au moyen âge on prit plus d’un parti d’où le salut dépendait en ce monde ou dans l’autre, suivant le sens des premières lignes qu’on lisait en ouvrant à l’aventure ou la Bible ou Virgile, sortes biblicœ, sortes virgilianœ. On a reproché sévèrement à Wesley cette confiance superstitieuse au hasard ; on a dit qu’il l’avait introduite parmi les méthodistes. Ses défenseurs ont répondu qu’il n’avait que rarement, et dans sa jeunesse, consulté cette sorte d’oracle, et qu’après tout un exemple donné par les apôtres pouvait lui servir d’excuse. Souvent sans doute c’est l’impuissance de la raison à décider la volonté qui a porté des âmes perplexes à ce fatalisme d’un moment ; mais pour le chrétien qui croit à l’intervention particulière de la Providence en toutes choses, pourquoi un incident quelconque de la vie, une parole, un songe, ne serait-il pas un signe de sa volonté ?

On dit que Wesley avait emprunté cette pratique aux moraves que ses critiques orthodoxes l’accusent d’avoir trop écoutés. Il est certain que pendant deux ans de sa vie il les prit pour guides. Pour mieux connaître encore ceux qui lui avaient ouvert le chemin du salut, il fit le voyage de Hollande et d’Allemagne. A Marienbourg, il rencontra Zinzendorf et acheva de s’instruire du plan d’organisation ecclésiastique qu’il avait emprunté lui-même à Spener, le fondateur du piétisme ou du méthodisme allemand. Il poussa même jusque sur les confins de la Bohême, à Herrnhut, le berceau de la secte qui en a pris son nom, et en observant cette société chrétienne si différente d’une église politique comme celle d’Angleterre, il crut, dit-il, avoir vu la cité de Dieu.

Lorsqu’il revint du continent toujours plus affermi dans une foi régénératrice, il se trouva en parfaite harmonie avec deux anciens membres du club des saints, son frère Charles et George Whitefield. Le premier avait suivi la même voie que lui et il s’était trois jours avant lui senti réconcilié. Le second était un jeune homme d’une famille pauvre dont la mère, servante au collège de Pembroke de l’université d’Oxford, était parvenue péniblement à lui procurer l’éducation cléricale. Son ardente nature l’avait jeté d’abord dans les extrêmes austérités, sans que son âme y trouvât la sécurité, ce que les Anglais appellent l’assurance, le premier ou plutôt l’unique bien du chrétien que la grâce a touché. C’est la supériorité des sectes britanniques les plus ferventes que de regarder l’âme et non le corps comme la seule hostie qui puisse être offerte au Dieu qui veut qu’on l’adore en esprit et en vérité. Whitefield le comprit lorsqu’une dangereuse maladie l’eut fait rentrer en lui-même.