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REVUE. — CHRONIQUE.

ils pèsent du même poids, et, si l’on y réfléchit, l’abstention elle-même, ce dernier refuge des consciences scrupuleuses, l’abstention peut avoir les mêmes conséquences. L’abstention peut être sans doute l’obligation exceptionnelle de certaines situations ; érigée en système, elle n’est plus que l’auxiliaire de la négation absolue qu’elle complète. C’est la tactique adoptée par l’Association internationale, qui vient de se constituer ou de se reconstituer à Paris, et qui ne manquerait certainement pas de ranger sous son drapeau l’armée des abstentionnistes. On peut après tout ne pas tenir beaucoup à faire campagne avec ceux qui ont de si merveilleux moyens de réformer la société française.

Qu’on mette les choses au mieux, que tout se borne à un avertissement, si l’on veut, ou en d’autres termes, qu’on suppose un vote assez significatif pour donner à réfléchir au gouvernement sans le réduire à merci : ce n’est point la révolution immédiate peut-être, c’est la lutte intime et permanente, l’instabilité, une suite de convulsions, jusqu’à ce que, par une réaction nouvelle, un autre vote nous ramène à une autre dictature, et voilà pourquoi le meilleur moyen est encore de sanctionner simplement, froidement, ce plébiscite qui nous est arrivé sans nous demander notre avis. C’est la plus sûre manière d’en finir. Est-ce à dire que ce soit un nouveau blanc-seing donné au pouvoir personnel, un rajeunissement de la politique dictatoriale d’autrefois ? Non ; par le fait, le plébiscite, tel qu’il se présente, a pour objet spécial de donner un caractère définitif aux réformes qui ont été récemment accomplies. Le oui qu’on nous demande, c’est la ratification de ces réformes ; il signifie que nous admettons la responsabilité ministérielle, l’initiative rendue aux chambres, l’indépendance parlementaire à peu près rétablie, le droit de discussion s’exerçant presque sur tout ; il signifie cela, et il ne signifie pas autre chose. — Mais quoi ! dira-t-on, est-ce qu’il n’y a pas l’appel au peuple, cette réserve suprême de la dictature, et le droit laissé à l’empereur seul de proposer au pays les révisions de la constitution ? Effectivement c’est écrit dans le sénatus-consulte, et il vaudrait mieux que cela n’y fût pas. Ce n’est cependant pas un motif pour dire non aux réformes actuelles, par cela seul qu’elles ne sont pas aussi complètes qu’on l’aurait désiré.

Après tout, ces prérogatives, que nous ne créons pas, il faut bien le remarquer, qu’on se borne à ne pas abroger, ces prérogatives, elles ne seront que ce que nous voudrons, elles n’auront d’autre puissance que celle que nous leur laisserons, elles ont pour limite la force de l’opinion attentive et libre. Est-ce que la constitution de 1852 n’existait pas, il y a un an, dans toute son intégrité, et cela a-t-il empêché les élections d’être c qu’elles ont été, l’interpellation des 116 de se produire ? Cela a-t-il enchaîné ce mouvement d’expansion libérale qui est allé en grandissant ? Ce qui a été possible il y a un an l’est à bien plus forte raison