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de 32, chargés avec 24 kilogrammes de poudre. Du reste, toute cette artillerie, qui n’est inférieure à aucune autre, l’emporterait, à ce qu’il semble, par la simplicité et l’économie de la fabrication. Sur un tube de fonte, il nous a suffi de faire entrer à frottement deux rangées superposées de frettes en acier. Partout ailleurs, on ne s’en est tiré qu’avec des sommes bien plus considérables. L’Angleterre a dépensé des millions pour créer un outillage qui lui permît de faire des canons à rubans ; les Prussiens et les Russes ont demandé à l’usine de Krupp des canons en acier. Même à ces conditions, on n’a obtenu nulle part des portées et des pénétrations supérieures aux nôtres. Des poudres prismatiques et à gros grains nous ont enfin fourni des vitesses initiales de 400 mètres ; les Anglais n’ont pas mieux, les autres marines sont en dessous. Reste une question qui divise les hommes les plus compétens. Quel que soit le calibre que l’on adopte, faut-il persister dans le chargement par la culasse ou faut-il revenir au chargement par la bouche ? Le nouveau canon Armstrong, qui se charge par la bouche et dont on cite les redoutables pénétrations, vient encore une fois de jeter quelque trouble dans le choix ; cependant les préférences des marins restent acquises au canon qui se charge par la culasse : c’est l’arme qui convient le mieux aux navires qui veulent combattre de très près.

Nous avons fait la part des instrumens, voyons celle des hommes. On sait déjà à quel roulement a donné lieu le recrutement des équipages de l’escadre. Ce roulement serait impossible sans des cadres fortement constitués, et si les quartiers-maîtres et marins qui se sont voués tout entiers au service de l’état cessaient de perpétuer les traditions que l’on a eu tant de peine à fonder. C’est un noyau peu nombreux, mais excellent, qui en réalité donne le ton au reste des équipages. La partie la mieux assurée de ces services est celle qui concerne la timonerie ; il y a les hommes des signaux et les hommes de barre, les guetteurs et les timoniers. Les guetteurs interrogent l’horizon, transmettent les avis, les ordres qu’ils ont à faire parvenir. C’est une spécialité nouvelle et particulièrement utile. Les hommes de barre sont plus difficiles à trouver, et peut-être y a-t-il là quelque chose à faire. De même pour les gabiers, parmi lesquels on pourrait distribuer des brevets, comme on le fait pour les canonniers, qui sont presque tous des hommes d’élite. Vient enfin une catégorie qui n’a pas encore dans le personnel de la flotte un rang bien déterminé, mais qui un jour se l’assignera elle-même, tant ses services deviennent manifestes : nous voulons parler des mécaniciens. Il semble établi qu’on ne parviendra point à les recruter d’une façon convenable, si l’on ne fait un large appel aux écoles des arts et métiers ; mais il ne suffit pas d’ouvrir les portes de la marine à ces jeunes gens, il faut qu’ils consentent à répondre à