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Reste-t-il immobile, une force égale à celle des eaux supérieures, mais inclinant dans une direction contraire, agit sur la drague et sur la corde qui la maintient. Enfin-vient-il à reculer, c’est qu’il existe un antagonisme dans la tendance des deux courons. : celui à la surface duquel flotte la barque, et le contre-courant dans lequel nage l’espèce de ballon sous-marin. Grâce à cet appareil ingénieux, à des thermomètres d’une grande sensibilité, et surtout à des expériences assidues, les savans purent reconnaître que dans le détroit de Gibraltar les eaux superficielles viennent de l’Atlantique, et que les eaux plus profondes arrivent du bassin de la Méditerranée[1].

La chaleur étant extrême, le Porc-Epic jeta l’ancre, le 3 septembre, dans la baie de Tunis. Les Anglais profitèrent de trois jours de repos pour visiter la ville, qui conserve un caractère mauresque, et les ruines de Carthage, où ils trouvèrent une série d’immenses réservoirs, dont l’eau est fournie par un aqueduc et descend d’une chaîne de montagnes situées à peu de distance. Le vaisseau repartit le 6, et les savans reprirent le cours de leurs observations. On avait plusieurs fois exploré, dans le détroit de Gibraltar, le fond de la mer, et la drague était très souvent remontée presque vide. Cette pauvreté de vie animale dans les eaux de la Méditerranée démentit les espérances qu’avaient conçues les naturalistes. Furent-ils plus heureux par la suite ? Passant devant le cap Bon, ils tombèrent au milieu d’une flottille de pêcheurs de corail, et furent surpris de voir combien les résultats obtenus semblaient peu en rapport-avec l’outillage qu’exige une telle industrie. Les dragages pratiqués à peu près dans les mêmes eaux fournirent toutefois des espèces curieuses, parmi lesquelles beaucoup n’étaient connues qu’à l’état de fossiles et passaient pour ne point avoir survécu à la période tertiaire.

Cependant la température était toujours accablante : l’équipage n’en pouvait plus ; les chauffeurs étaient sur les dents. L’avis du capitaine Calver fut qu’il fallait en toute hâte gagner l’île de Malte. Le 10 septembre, le navire entra dans le port de Valetta. Le mécanicien en chef était tombé malade ; les savans furent obligés de rester dix jours à Malte, où ils occupèrent leur temps à étudier les curiosités naturelles qui abondent dans cette île. Comme des lettres les rappelaient sans retard en Angleterre, le Porc-Épic leva l’ancre le 20 septembre et se dirigea vers les côtes de la

  1. L’existence d’un courant sous-marin qui porte les eaux de la Méditerranée dans l’Atlantique était admise depuis longtemps pour expliquer ce que deviennent les 11,000 kilomètres cubes d’eau que le courant superficiel apporte annuellement dans la Méditerranée. Cette hypothèse se trouvait confirmée par un fait curieux : un brick hollandais, chargé d’huile et d’alcool, qui avait été coulé par le corsaire le Phénix, dériva vers l’ouest entre deux eaux et vint échouer dans les environs de Tanger, à 12 milles du point où il avait disparu dans les flots. (Maury. )