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regarder les propositions du 5 août, celles relatives à la rive gauche du Rhin, comme non avenues, comme une incartade de M. Drouyn de Lhuys pendant la maladie de son auguste maître, et lui soumit un nouveau projet en cinq articles concernant la Belgique. Peu importe que l’ambassadeur de France ait eu sur lui la minute ou qu’il l’ait écrite dans le cabinet du ministre prussien, sur sa demande et « en quelque sorte sous sa dictée ; » toujours est-il que M. Benedetti agissait d’après des instructions de Paris[1] et que M. de Bismarck de son côté n’a nullement décliné de pareilles ouvertures. Il avait même fait des observations sur tel des termes employés dans la rédaction et insisté sur plusieurs changemens à introduire dans le texte. Le projet ainsi amendé fut envoyé à Paris et retourné de nouveau à Berlin avec des rectifications faites par l’empereur et M. Rouher. Sur les bords de la Seine, dans les conciliabules du petit nombre des initiés au secret, on était plein d’attente et d’allégresse ; on débattait la question du successeur à donner à M. Drouyn de Lhuys, et les avis étaient partagés entre M. de Lavalette et M. Benedetti ; on échangeait des idées que devait bientôt exprimer un document demeuré tristement célèbre, et on se réjouissait de voir « les traités de 1815 détruits, la coalition des trois puissances du nord brisée, et la Prusse rendue assez indépendante et assez compacte pour se détacher de ses traditions[2]. » Tout à coup une dépêche éplorée de l’ambassadeur de France près la cour de Berlin (29 août) vint jeter du trouble dans les esprits, et l’on eut de nouveau quelques appréhensions au sujet de l’alliance « nécessaire et féconde » qu’on se flattait d’établir.

Les pourparlers avaient marché leur train jusqu’aux derniers jours du mois d’août, et M. de Bismarck s’était prêté de bonne grâce aux négociations dilatoires. En attendant, la paix de Prague, la paix définitive avec l’Autriche venait d’être signée (26 août), les états du sud avaient adhéré l’un après l’autre aux stipulations de Nikolsbourg, et reconnu solennellement la confédération du nord,

  1. Le Moniteur prussien du 21 octobre 1871 donne (d’après les documens saisis à Cerçay) des extraits de l’instruction envoyée de Paris le 16 août à M. Benedetti concernant le traité secret. Un passage de cette instruction contient « la désignation des personnes entre lesquelles cette négociation doit se renfermer. »
  2. Expressions de la circulaire de M. de Lavalette du 16 septembre 1862.