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l’une des plus belles montagnes de l’Islande. Les pentes inférieures forment l’extrémité d’une sorte de promontoire qui sépare le Brede-Bug et le Faxe-Bug, golfes immenses parsemés d’écueils et de récifs des plus dangereux, que rien n’abrite contre la mer du large et dans lesquels les sinistres sont si fréquens, que nos pêcheurs leur ont donné, dans leur langage imagé, le nom significatif de Cimetières des navires. De Reikiavik même, c’est-à-dire de plus de 30 lieues, on peut souvent apercevoir le Sneffiels, non pas à l’état de silhouette vague et indécise, mais de façon à distinguer nettement les neiges rosées du sommet, dont la coloration s’efface graduellement sur la déclivité et fait ressortir en bleu sombre la partie inférieure des pentes. A mesure qu’on s’en approche, l’œil peut distinguer le massif de roches basaltiques qui lui sert de base et dans lequel, du côté du large, l’action combinée de l’air marin et des vagues a ouvert des crevasses dont quelques-unes sont devenues des grottes peuplées aujourd’hui par de bruyantes légions d’oiseaux de mer.

Lorsqu’on a dépassé le Sneffiels et laissé derrière soi le Faxe-Bug, on voit s’avancer au large une pointe que nos pêcheurs appellent la Pointe des escaliers, par allusion sans doute aux gradins superposés de couches basaltiques dont est formé le massif qui la constitue. C’est à partir de ce cap que la côte ouest se produit sous son aspect particulier, toujours grandiose, quoique uniforme. Le pied des montagnes plonge dans la mer brusquement et sans adoucissement de pentes. Les pointes se succèdent les unes aux autres, toujours droites et à pic. Le basalte, les pierres volcaniques désagrégées, s’émiettent sous l’action de la vague, et si parfois la partie inférieure de la montagne présente de loin une certaine déclivité, on s’aperçoit, en s’en rapprochant, que ce que l’on a pris pour une ondulation peu accentuée du terrain n’est en réalité qu’une sorte de remblais de sables et de débris noirâtres qui ont roulé des parties supérieures et se sont accumulés à la base. Ces côtes rocheuses sont coupées, d’espace en espace, par de larges coupures, quelque chose comme les embouchures par lesquelles des fleuves immenses viendraient se jeter dans la mer. Ce sont des fiords, c’est-à-dire des golfes intérieurs spacieux, communiquant avec la mer par un goulet relativement étroit, et renfermés entre des parois verticales de montagnes violemment écartées par quelques convulsions volcaniques. Plus le goulet est sinueux, plus le mouillage auquel il aboutit est sûr. Parfois il ne décrit aucun contour : le vent et la mer s’y engouffrent alors comme dans un couloir ; mais il est rare que dans le fond de la baie on ne trouve pas une petite pointe de sable qui déborde de l’un des côtés et