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FLAMARANDE.

tifié et entouré de murailles ébréchées et de tours décrépites, une fois entré dans le bourg, on ne voyait plus qu’un amas de vieilles maisons se pressant contre le rocher en ruelles profondes, étroites et sombres. Pas un point d’où l’on pût apercevoir la mer et les montagnes ; on eût dit qu’au milieu d’une terre splendide et sous un ciel d’azur les anciens fondateurs de cette citadelle avaient résolu, pour n’être pas vus du dehors, de ne voir eux-mêmes que leur sordide demeure. La place, au centre du bourg, était toute bordée d’arcades basses et massives formant galerie, et les habitations placées au-dessous ne recevaient même pas la lumière du ciel. La Niçoise, qui demeurait par là, voulut en vain me faire convenir que cela ressemblait aux galeries du Palais-Royal.

Je pensai avec effroi à ce que ressentirait la comtesse de Flamarande, si elle pouvait voir l’affreuse prison où sonfils entrait, au sortir de sa demeure soyeuse et parfumée ; mais je regardai les gamins maigres, bruns, agiles et forts, qui jouaient bruyamment sur ces pavés disjoints et faisaient retentir de leurs voix énergiques les voûtes suintantes de misère et de tristesse. — Ils vivent quand même, me disais-je, ils ont une vie intense et ardente. Ils sont plus forts et plus sains que le comte de Flamarande élevé dans le coton.

XXV

Je me présentai à la sœur de la nourrice comme un pasteur protestant qui, voyageant seul dans sa voiture de poste, avait rencontré une mère et son enfant très fatigués à un relais de diligence. Je les avais pris par charité dans ma voiture, j’étais un homme évangélique. J’en avais au moins la mine, le costume et le langage.

La pauvre sœur de ma Niçoise ne savait comment me témoigner sa reconnaissance et son admiration. Ce fut bien autre chose quand, après avoir exploré le village, je trouvai une maisonnette plus propre et mieux aérée que la sienne, dont je payai d’avance le loyer, — vraiment ce n’était pas cher ! — et où les deux sœurs me promirent de s’installer le lendemain. J’avais fait cette pauvre munificence de mon chef et à mon compte, car M. de Flamarande dans ses instructions n’avait pas prévu que je dusse me tant soucier du bien-être du pauvre petit exilé. Moi, je pensais racheter ma complicité dans cette ténébreuse affaire en me préoccupant de Gaston, comme s’il eût dû porter un jour le nom de Flamarande et retrouver sa mère.

Le lendemain matin, ayant veillé à tout, tout prévu, et remis à la nourrice une somme assez ronde pour payer son silence, je re-