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FLAMARANDE.

jura, mais elle insista avec une obstination tout à fait inusitée. M. le comte y mit beaucoup de patience, et comme il ne gagnait rien sur elle, il sentit qu’il allait s’emporter et se leva en lui disant : — Je voulais vous épargner une douleur nouvelle ; mais, puisque vous la cherchez, il faudra bien que votre blessure soit rouverte ; seulement je ne m’en charge pas. Demandez à Julie pourquoi votre fils n’est pas dans le caveau de la famille, je l’autorise à vous le dire, puisque vous m’y forcez.

XXXVI

Julie, restée seule avec madame, eut à subir ses questions, et avec tous les ménagemens dont elle se sentit capable, elle apprit à sa maîtresse que la nourrice et l’enfant avaient disparu sans que l’on pût retrouver leur trace.

— Quoi ? disparu ! s’écria la pauvre mère affolée, mon fils a été enlevé ? Pourquoi, comment, par qui ? — et tombant dans les bras de Julie : — Dites, ma chère, s’écria-t-elle encore, mon fils disparu, on ne sait pas ce qu’il est devenu ? il existe peut-être encore ?

Julie m’a avoué qu’elle fut si émue des caresses de sa maîtresse qu’elle lui donna un espoir qu’elle n’avait pas elle-même. — Ce qu’il y a de certain, lui dit-elle, c’est que l’enfant n’a pas été malade et qu’il a disparu le surlendemain de sa naissance. On a cherché partout et on n’a rien pu découvrir.

En ce moment, M. le comte rentra pour savoir si Julie avait fait la triste révélation dont il l’avait chargée. Au lieu de trouver madame dans les pleurs, il la trouva dans une joie relative. Elle était comme folle, elle voulait partir sans savoir où elle voulait aller, elle prétendait qu’on n’avait pas bien cherché et qu’elle était bien sûre, elle, de retrouver son enfant. Monsieur marqua de l’impatience, gronda Julie d’avoir sottement expliqué le fait, et se chargea de l’expliquer lui-même. — La nourrice s’est noyée avec l’enfant, dit-il, on n’a retrouvé d’eux qu’un bonnet et un châle.

Madame resta pâle et fixe comme une statue. En un instant elle se représenta la fin tragique de son pauvre petit enfant, et alors elle fit le geste de s’élancer les bras en avant, comme pour le ressaisir ; mais elle tomba la face sur le plancher et resta évanouie.

Quand elle revint à elle, elle eut la fièvre et le délire. Le docteur fut appelé, et, apprenant ce qui s’était passé, il exigea que l’on ne combattît pas trop les chimériques espérances de la mère. Madame fut très malade pendant deux semaines, et je ne la trouvai pas guérie quand je la vis reparaître. Elle n’était pas affaiblie comme on devait s’y attendre ; elle avait au contraire une agitation fébrile