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FLAMARANDE.

— Mon Dieu ! lui répondit la comtesse atterrée, c’est vous qui me blâmez de vouloir retrouver notre enfant !

Votre enfant, répondit le comte, a été cherché minutieusement et ne sera jamais retrouvé ; soumettez-vous à la volonté de Dieu. — Et, sentant qu’un mot de plus de la comtesse allait le faire éclater, il se retira en m’ordonnant de le suivre.

Je trouvais qu’il avait terriblement accentué les mots votre enfant, et que sa physionomie avait révélé sa jalousie avec une amertume effrayante. Madame en avait-elle été frappée comme moi ? Julie, qui était fine, n’avait-elle pas dû pressentir la vérité ? — Vous vous êtes trahi, dis-je à monsieur quand nous fûmes dans son cabinet.

— Qu’importe ? répondit-il en brisant son magnifique encrier en porcelaine de Sèvres : n’est-il pas temps qu’elle comprenne que je ne suis pas un niais et qu’elle me délivre de cette persécution ? Elle est aussi par trop simple ou par trop audacieuse ! Qu’elle sache donc que je suis son juge et sente que je suis son maître !

— Songez, monsieur le comte, que le jour où elle saura vos soupçons elle ne doutera plus de l’existence de son enfant et arrivera à le découvrir.

— J’y mettrai bon ordre, elle partira demain pour Pérouse.

— Elle est encore malade. Julie l’entend parler et sangloter la nuit ; elle a certainement la fièvre.

— Morte ou vivante, elle partira demain et elle partira seule. Je garde Roger, je ne veux pas qu’il entende et qu’il voie ces aberrations.

— Monsieur le comte, vous êtes assez vengé, vous l’avez dit ! Ne recommencez pas ! Allez trouver madame et apprenez-lui tout. Elle se justifiera, j’en suis certain.

— Charles ! vous voulez me trahir, vous êtes tout à madame, vous n’êtes plus à moi. Il faut nous séparer, votre mission est accomplie, votre aisance assurée, adieu !

J’aurais dû accepter la rupture, je ne pus m’y résoudre. J’aimais les deux époux, j’aimais les deux enfans. Je n’avais plus d’autres affections sur la terre. J’étais déjà comme les vieux domestiques qui se sentent de la famille et n’en veulent point d’autre. Je refusai mon congé, je refusai ma fortune et ma liberté. Je promis d’obéir à mon maître et de ne plus me laisser attendrir.

Mais je crus devoir préserver madame d’une douleur nouvelle. J’allai la trouver et je lui parlai ainsi : — M. le comte est fort affecté de la situation d’esprit de madame ; il craint que {{M.|Roger} n’en ressente le contre-coup et paraît décidé à faire partir madame sans son fils. Au nom de mon respect et de mon dévoûment pour