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séjourner. Les institutions destinées à régir la principauté seront élaborées par une assemblée de notables sous la surveillance, c’est-à-dire sous l’influence directe d’une commission russe. C’est aussi un commissaire russe qui sera chargé de mettre ces institutions en vigueur, d’organiser la nouvelle administration et de la diriger pendant au moins deux années. Lorsque cette administration aura fonctionné pendant une année, des délégués européens pourront assister à sa marche, mais en simples témoins, à la condition que la Russie et la Turquie y consentent toutes les deux, et qu’un accord se soit établi entre les puissances à l’égard des questions orientales. Par accord on ne doit évidemment entendre ici que la détermination d’acquiescer à tout ce que la Russie aura fait ou décidé. C’est encore un commissaire russe qui présidera à l’organisation des milices de la principauté, et l’aversion bien connue des Bulgares pour le service militaire, dont les Turcs les ont toujours exemptés, permet de croire que pendant longtemps les instructeurs et les officiers de cette milice seront empruntés à la Russie. Enfin, pendant deux années à partir de la conclusion de la paix définitive, c’est-à-dire à partir du jour, encore impossible à prévoir, où le traité de San Stefano aura reçu tous ses complémens et obtenu la sanction de l’Europe, la Bulgarie sera occupée par 50,000 Russes, à l’entretien desquels elle devra pourvoir. Quelle pourra être, dans de telles conditions, l’autorité du prince qui sera appelé à gouverner la Bulgarie ? Est-ce aller trop loin que de dire qu’une semblable organisation n’est qu’une annexion déguisée ?

La Russie a eu soin de se réserver par le traité la décision de toutes les questions importantes. Des commissions mixtes doivent prononcer sur toutes les contestations qui s’élèveront entre la Turquie d’une part, les Bulgares, les Monténégrins ou les Serbes de l’autre, soit au sujet de la délimitation des territoires, soit au sujet de la disposition des propriétés publiques ou des biens abandonnés ; mais ces commissions mixtes ne fonctionneront que sous la surveillance de commissaires russes, et c’est évidemment à ceux-ci que le dernier mot appartiendra. Les provinces laissées à la Turquie doivent toutes recevoir des institutions conformes aux bases qui avaient été établies par la conférence de Constantinople. Les détails de ces institutions seront élaborés, dans chaque province, par des commissions spéciales dans lesquelles l’élément indigène participera largement. Le résultat des travaux de ces commissions locales sera soumis à la Porte, mais celle-ci, avant de rien promulguer, devra prendre l’avis du gouvernement russe. C’est donc la Russie qui prononcera en dernier ressort sur les propositions des commissions locales et qui déterminera définitivement l’organisation des provinces turques : la Porte, réduite à un rôle purement