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siégeant à Berlin et composée des ambassadeurs accrédités près l’empereur d’Allemagne, le règlement de toutes les questions relatives à la procédure du congrès. Il espérait que les ambassadeurs, en se plaçant au point de vue pratique et en soumettant à un examen préalable toutes les questions à traiter au sein du congrès, arriveraient à une transaction acceptable pour tout le monde. Le cabinet de Londres, qui se sentait sur un terrain solide, refusa de le quitter, et déclina la proposition de l’Allemagne. En même temps, il insista plus vivement que jamais pour avoir une réponse catégorique de la Russie. Il n’en obtint que la promesse de la communication officielle du traité aussitôt que les ratifications auraient été échangées et auraient donné à cet acte un caractère définitif en ce qui concernait la Russie et la Turquie. Cette promesse était accompagnée de la déclaration que chaque puissance aurait au sein du congrès la pleine liberté de ses appréciations et de son action. On tournait donc toujours dans le même cercle. Le cabinet de Londres apprenait en même temps que le prince Gortchakof avait déclaré à l’envoyé de Roumanie que la Russie ne permettrait jamais que la rétrocession de la Bessarabie fût discutée au sein du congrès. On acquérait donc ainsi la preuve que la Russie entendait soustraire à la décision de l’Europe une des questions les plus graves qui pût être soulevée à propos du traité de San-Stefano et précisément une de celles sur lesquelles la compétence du congrès était le moins contestable. Aussi, lorsque le 27 mars la Russie eut répondu à une dernière mise en demeure de la part du cabinet anglais par le maintien pur et simple de ses déclarations antérieures, toute idée de réunir un congrès dut être abandonnée.

Depuis le jour où l’antagonisme des vues s’était manifesté, la Russie s’était habituée à la perspective d’une rupture avec l’Angleterre. Elle avait pensé d’abord que le congrès pourrait se réunir sans la participation du cabinet de Londres, mais M. de Bismarck ne partagea point cette manière de voir, et refusa d’admettre la possibilité que rien de sérieux pût s’accomplir ou même être tenté sans le concours de l’Angleterre. Sans doute la France et l’Italie ne pouvaient être indifférentes à tout changement apporté à l’équilibre des forces dans le bassin de le Méditerranée, mais elles n’avaient ni l’une ni l’autre d’intérêt direct et pressant qui fût engagé dans la question d’Orient : toutes deux se garderaient de compromettre ou d’aliéner leur liberté d’action, lorsque l’absence de l’Angleterre leur fournirait un motif légitime de s’abstenir ; on devait donc tenir pour certain que ni l’une ni l’autre ne voudraient prendre part à une réunion qui n’aurait plus un caractère européen. Battue de ce côté, la Russie revint à l’idée d’un arrangement direct avec l’Autriche qui lui permettrait de braver le