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l’insurrection du 18 mars a dit : « J’ai découvert quinze cents bombes à Montmartre, dans les ateliers de Fontaine, directeur des domaines, chez lequel j’ai trouvé beaucoup d’objets volés chez M. Thiers[1].

Les écrivains qui servaient de souteneurs à la commune étaient dans la joie. Ils estimaient que ces pillages inexplicables étaient des mesures sagement réparatrices. A leurs félicitations ils ajoutaient des calomnies ; comme toujours le Pêne Duchêne donne l’exemple et entonne l’hosannah de l’ordure : « Savez-vous ce qu’on a trouvé quand les bons b…. de la police municipale ont été faire des perquisitions dans le domicile de l’assassin Jules Favre ? Eh ! nom de tonnerre, tout simplement deux millions en titres au porteur ; et tout ça acheté du 4 septembre au 20 février… c’est pour cela qu’il avait besoin de faire de faux billets de banque[2] »

Le pillage suffisait, le mensonge était de trop. Pendant que la direction des domaines faisait des descentes dans les ministères et dans les appartemens particuliers, la sûreté générale, — qu’elle fût dirigée par Raoul Rigault, par Cournet ou par Théophile Ferré, — ne restait pas oisive ; elle aussi, elle crochetait les serrures et défonçait les armoires sous prétexte de s’emparer de papiers compromettans. Elle fait des perquisitions, dont jamais elle ne sort les mains nettes, chez M. Zangiacomi, chez le maréchal de Mac-Mahon, chez le maréchal Bazaine, chez le prince Murat, auquel on vole toutes ses voitures, chez le général Ducrot, auquel on enlève une cassette remplie de documens précieux. Cette cassette ne sera pas inutile plus tard ; quelques contumax proposeront de la rendre moyennant bonne somme payée d’avance ; ils essaieront d’établir ainsi ce qu’en terme de leur métier on appelle un coup de chantage, mais leur tentative d’escroquerie ne réussira pas, car on sait à n’en point douter que la cassette a été détruite dans l’incendie de l’Hôtel de Ville. — Ces expéditions ne coûtaient pas fort cher à la commune, qui faisait fies effractions à bon compte, si j’en crois cette pièce : « Reçu pour frais divers pour l’exécution d’un mandat de la sûreté générale ; descente et perquisition chez le nommé Vinoy, ex-général, 10 francs. Paris, le 24 avril 1871. Le commissaire de police spécial au chemin de fer de l’Est, E. B. » Parfois les frais sont plus considérables et ressemblent à une prime proportionnelle au butin rapporté : « Reçu par le commandant de place la somme de 400 francs en avoir, après réquisition faite à l’école Bossuet d’une somme de 1,400 francs que j’ai versée au bureau. La réquisition a été faite le 7 avril à quatre heures, Paris, le 18 avril 1871, J., commissaire de police du quartier de l’Odéon. » C’est par milliers

  1. Enquête sur le 18 mars, tome II, p. 220, éd. 1872. — Procès Fontaine ; déb. contr., cinquième conseil de guerre, 23 novembre 1871.
  2. Le Père Duchêne, n° 29, p. 92, 24 germinal an 79.