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le sentiment filial de Mme la marquise de Blocqueville, née d’Eckmühl, a rédigé cette note pour elle, mais non pour recevoir la publicité.

Signé : M.-L. CLEMENT.

P. S. — Il n’est pas inutile d’ajouter comme complément de cette note que M. le prince d’Eckmühl, après avoir prononcé le discours mentionné ci-dessus, et comme ayant un pressentiment que sa conduite pendant les cent jours pourrait être incriminée, avait dit à M. Clément, en lui serrant les mains avec émotion : « Je vous prie, monsieur, de vous rappeler les paroles que je viens de faire entendre. Peut-être serai-je un jour dans le cas d’invoquer votre témoignage au sujet de ce qui se passe ici en ce moment. »

Signé : M.-L. CLEMENT.


Cette note obtenue, Mme de Blocqueville nous dit qu’elle n’en fut point entièrement satisfaite, et Edgar Quinet, à qui elle fut communiquée quelques années après, exprima une opinion analogue. Elle a paru cependant suffisamment claire à M. Thiers, qui a accepté le témoignage de M. Clément sans le torturer pour lui faire dire autre chose que ce qu’il dit. Nous demandons, comme lui, à cette note ce qu’elle affirme, non ce qu’elle tait, supprime ou laisse entendre. Nous n’avons pas à chercher qui Carnot accusait lorsqu’il faisait entendre qu’il y avait trahison. Interrogé sur ce point, M. Clément refusa de répondre catégoriquement, et parla de Fouché et encore d’un autre qu’il ne nomma pas. Or cet autre ne pouvait être évidemment le prince d’Eckmühl, car s’il en eût été ainsi, la note de M. Clément, que rien ne l’obligeait à écrire, loin d’être un hommage à la vérité, comme il le dit, serait une œuvre volontairement mensongère d’un bout à l’autre, et il faudrait en outre supposer qu’en rendant justice au patriotisme de Davout, Carnot ne faisait autre chose que s’acquitter d’un devoir de banale politesse, ce qui est impossible à concevoir d’un homme aussi rigide et dans un pareil moment.

Ce point obscur une fois écarté et en nous en tenant à ce qu’elle affirme, cette note est la justification complète du prince d’Eckmühl, quel que soit le point de vue auquel on se place. Si, en effet, comme une certaine opinion répandue l’en accusait, il se refusait à livrer bataille, l’avis émis par Carnot est plus que suffisant pour faire comprendre que cette hésitation était fort naturelle et ne peut inculper en rien son patriotisme. Mais cette hésitation n’a pas même existé, car nous le voyons, au contraire, demander à livrer bataille avec une véhémence extraordinaire, et que cette demande fut faite avec une entière sincérité, nous en avons pour garantie